Voici l’hommage rendu par Anouar Ben Msila à Joseph Courtés, disparu le 10 mars dernier. Il rend compte, en particulier, de l’oeuvre pédagogique de Courtés dans le cadre des séminaires toulousains et albigeois.
À partir et pour Joseph Courtés
Anouar BENMSILA
Faculté des Lettres de Meknès (UMI/Maroc)
J’ai eu l’occasion, et surtout le plaisir, de recevoir l’enseignement de J. Courtés, sept ans durant, de 1985 à 1992, à l’Université de Toulouse-le-Mirail (U-T-M). J’ai beaucoup appris auprès de lui tant sur le plan scientifique qu’humain, et je pense qu’il en allait de même pour les autres doctorants. Nous étions nombreux à suivre son séminaire, et assidûment, tant celui-ci était un lieu de construction de savoirs et d’acquisition de savoir-faire sémiotique.
Avant d’aborder la spécificité de la sémiotique courtésienne, voici retracé, à grands traits, le contexte scientifique et « pédagogique » dont le projet de J. Courtés faisait partie constituante. C’était en 1984 que celui-ci avait intégré l’U-T-M après avoir côtoyé A. J. Greimas à Paris, pris part à ses séminaires rue Le Prince. Parmi les collègues sémioticiens de J. Courtés, en bonne partie regroupés dans le Centre pluridisciplinaire de sémiolinguistique textuelle (CPST), on comptait G. Maurand, le pionnier de la sémiotique à Toulouse et l’initiateur du Colloque d’Albi (CALS), Robert Gauthier, l’un des spécialistes de l’informatique et des formes culturelles africaines, M. Ballabriga, lecteur assidu des surréalistes, Raphaelle Costa de Beauregard, angliciste préoccupée par la sémiotique visuelle, notamment filmique. Par la suite, après le départ de J. Courtés à la retraite, c’est Alessandro Zinna qui, à son tour, intégrera l’U-T-M. J. Courtés, lui, se distinguait par son compagnonnage d’A. J. Greimas ainsi que par sa collaboration, avec le fondateur de la sémiotique française et européenne, à la réalisation d’un volet de l’œuvre sémiotique, à savoir les deux volumes du Dictionnaire raisonné de la théorie du langage (1979-1986).
D’autres sémioticiens intervenaient régulièrement aux séminaires toulousins et albigeois, et j’en retiens, parmi tant d’autres, F. Rastier (lui-même de la région), M. Arrivé, H. Parret, E. Landowski, Tahcin Yücel. C’est également à Toulouse, en 1990, que j’ai rencontré pour la première fois J. Fontanille lors de la soutenance de thèse de doctorat de mon camarade de classe, plus tard devenu collègue, Abdelmajid Abou Tariq, enseignant-chercheur à la Faculté des Lettres d’Agadir. Ce que je retiens aussi, c’est que ces sémioticiens se produisaient aux côtés de linguistes et pragmaticiens tels que J.-Cl. Anscombre, O. Ducrot et J.-B. Grize. Le Colloque d’Albi a également fait une place à des poètes, plus particulièrement à L. Gaspar et R. Amat (de Manosque), qui participaient non seulement par des poèmes, mais aussi par des communications à part entière, portant sur les thèmes retenus. Ainsi retrouvait-on l’idée de la relation de réversibilité entre sémiotique et écriture (le figuratif) naguère avancée par A. J. Greimas dans sa propre préface à Du sens (1970) et selon laquelle le sémioticien devient écrivain et l’écrivain sémioticien. M. Arrivé, l’un des habitués de Toulouse-le-Mirail et du Colloque d’Albi, a fait œuvre de romancier et de nouvelliste aussi bien, et G. Maurand écrivait déjà de la poésie, qui ne le quittera pas. Pour sa part, J. Courtés affectionnait une passion particulière pour l’écriture, et parmi ses références en la matière, outre le conte et la nouvelle qu’il étudiait préférentiellement, la plume de M. Arrivé qui mêlait inextricablement abstraction et figuratif au sein même de ses écrits sémiotico-linguistiques.
C’est dire que Toulouse et Albi constituaient un cadre accueillant et intégrateur, où cohabitaient des chercheurs et auteurs de divers horizons scientifiques, intellectuels et culturels. Cette diversité de pensée trouvait son fondement sinon dans l’interdisciplinarité, du moins dans la pluridisciplinarité, et l’on sait, depuis quelque temps déjà, que l’approche interdisciplinaire demeure fructueuse. D’ailleurs, la sémiotique greimassienne, le projet global et fédérateur, a vocation à faire dialoguer différentes disciplines, autant celles des sciences du langage que celles de l’homme (anthropologie, phénoménologie, sociologie). Autrement dit, les séminaires étaient marqués du sceau de l’altérité. En témoigne l’intervention décisive d’E. Levinas à l’une des éditions fondatrices du Colloque d’Albi, probablement celle de 1980, sur le « Savoir et le croire » ; E. Levinas étant considéré comme le penseur de l’altérité et de l’éthique.
De même, et comme toile de fond, était présente l’œuvre de P. Ricoeur, qui est dans le sillage levinassien, mais tout en mettant en place une pensée de l’ipséité (altérité à soi). Et Soi-même comme un autre (1990) restait un ouvrage quasi-incontournable pour la majorité des doctorants, aidés en cela par la trilogie Temps et récits (1983-1984-1985), du même philosophe, dont le deuxième volume entreprend une lecture éclairante de travaux sémiotiques marquants : la morphologie du conte selon V. Propp, la logique du récit de Cl. Bremond et la sémiotique d’A. J. Greimas. Toujours dans ce contexte d’altérité à soi et d’altérité irréductible (Levinas), G. Maurand ira jusqu’à proposer l’idée de « sémio-diversité », entendant ainsi conjoindre sémiotique et autres disciplines, mais aussi sémiotique et expérience concrète d’altérité (rencontre d’autrui). Et quoi de plus rassurant pour les doctorants qui, à l’époque, en bonne partie, venaient de sphères culturelles aussi différentes que l’Afrique, les Amériques, l’Asie et l’Europe. Ils étaient un peu chez eux, autour d’un projet partagé.
Quelle attitude adoptait alors J. Courtés vis-à-vis de cet esprit ouvert et pluriel ? Après une phase initiale marquée par une pratique sémiotique stricto sensu, « pure et dure », comme c’est le cas d’ouvrages fondateurs : Lévi-Strauss et les contraintes de la pensée mythique (1973) et l’Introduction à la sémiotique narrative et discursive (1976), J. Courtés devenait de plus en plus à l’écoute de l’interdisciplinarité, déployant à même la sémiotique linguistique discursive et pragmatique linguistique. Mais tout en sauvegardant l’unité organique du projet sémiotique de base. En témoignent des ouvrages tels que Du lisible au visible (1995) et La sémiotique du langage (2003). Aussi, J. Courtés, à la fin de son parcours, intégrait-il, progressivement, le tournant passionnel ; d’où son recours au mode d’existence de potentialisation, le sursaut de la passion, pour la construction de l’acte d’énonciation (cf. « L’énonciation comme acte sémiotique », in Nouveaux Actes Sémiotiques, 1998, pp. 24-25).
Avant de clore ce volet de contextualisation pour montrer la spécificité de la sémiotique courtésienne, j’aimerais bien faire un aveu, qu’on voudra bien me pardonner. Il m’est arrivé, il m’arrive encore, de songer rattacher ce contexte à une « école », l’« Ecole sémiotique de Toulouse », à la fois ancrage et horizon, où J. Courtés tiendrait, tout naturellement, une place de choix.
Parmi les traits distinctifs saillants du séminaire de J. Courtés, et plus globalement, de son œuvre, j’en retiens trois, à savoir, la sémiotisation poétique, le lisible et le visible et l’énonciation comme acte sémiotique. J’ajouterai que ces trois traits sont régis par celui d’initiation. Ces traits sont interdépendants, au point de former comme une constellation sémiotique. Regardons-les de près.
La sémiotisation poétique, qu’est-ce à dire ? Si la sémiotique procède, à l’évidence, de l’outillage théorico-méthodologique greimasso-courtésien, la poétique, elle, est envisagée dans l’optique de R. Jakobson, en ce sens qu’elle est fondée sur le principe d’équivalence. Ce principe, on le sait, consiste en la projection de l’axe syntagmatique sur l’axe paradigmatique. Mais J. Courtés, et en raison de son projet global de systématisation du figuratif, ne se limite point à la reproduction littérale de ce principe, à sa transposition, somme toute « fidèle », dans la sémiotique, mais procède à son réajustement tout en en déplaçant le niveau de pertinence. Car, à la différence de la conception jakobsonienne qui inscrit le principe d’équivalence dans la corrélation de l’expression et du contenu, J. Courtés se propose de rendre opératoire ce principe dans l’articulation du figuratif et du thématique. Ainsi le poétique fait-il l’objet de sémiotisation. Et l’on rencontre de nouveau l’ouverture de la sémiotique à l’une des disciplines voisines, la poétique linguistique.
Mais l’emprunt et le déplacement ne concernent pas seulement l’outillage théorico-méthodologique ; ils se rapportent aussi à l’objet de connaissance retenu par J. Courtés, le motif, en l’occurrence. Dans le projet courtésien, le motif trouve sa source dans la conception d’E. Panofsky de la peinture, notamment dans L’œuvre d’art et ses significations (1955). En substituant à la notion de configuration, élaborée en sémiotique discursive, celle de motif, J. Courtés insuffle à celle-ci une valeur et une portée différentes, bien spécifiques. Le figuratif n’est plus envisagé comme répertoire de figures, mais sous forme de réseaux de traits figuratifs oppositifs et pertinents. C’est ainsi que J. Courtés met en place une sémantique du figuratif, mais dans le cadre de la sémio-poétisation. Après avoir dépouillé et soumis à l’analyse un corpus de contes populaires français de grande ampleur, il aboutit à la construction de ce qu’il appelle code figuratif sous-jacent. Ce code, et non plus seulement message, constitue le soubassement d’un imaginaire collectif, par où se conjoignent le culturel, l’anthropologique et le discursif. Par ailleurs, vu la place prépondérante que tient la littérature orale ou ethno-littérature dans la recherche de J. Courtés, les étudiants marocains et africains en général portaient un intérêt croissant à cette recherche, étant eux-mêmes issus d’une culture foncièrement marquée par l’oralité. Des thèses furent soutenues sur le conte, dont celles des Boutaybi-Idrissi et Mohamed Hijjou.
Voilà pour la sémio-poétisation. Qu’en est-il du lisible et du visible, du verbal et du non verbal, plus particulièrement, « La parure », nouvelle de Maupassant, et une bande dessinée de B. Rabier ? Il convient de préciser, de prime à bord, que non seulement il est question de comparabilité entre le lisible et le visible, mais aussi de complémentarité entre leurs traitements sémiotiques respectifs. Il y a passage du premier au second, soit une évolution théorico-méthodologique aussi bien au plan de la nature de l’objet de connaissance (du texte verbal au texte non-verbal) qu’à celui du niveau de description ou pertinence : le passage de la prise en compte de la forme du contenu à celle de la forme de l’expression. C’est ainsi que J. Courtés entend apporter sa pierre à l’édifice, celui d’une sémiotique du visible, alors que celle du lisible était, depuis quelque temps, déjà édifiée, voire au détriment du visible. C’est pourquoi les doctorants qui se proposaient de lire sémiotiquement la bande dessinée et autres objets visibles se plaignaient de la pénurie d’ouvrages sur ce type de sémiotique. Or, J. Courtés, et comme pour combler ce manque, se joignaient à J. Fontanille (Sémiotique du visible) et à J.-M. Floch (Identités visuelles), parmi d’autres, explorant, chacun dans l’optique qui lui est propre, la sémiotique visuelle.
D’autre part, chez J. Courtés, le visible ne constitue pas un centre d’intérêt parmi d’autres, somme toute transitoire, une phase de parcours ; il forme plutôt comme une constance de recherche, une préoccupation durable. En effet, le visible traverse certains des travaux courtésiens, et verticalement. D’autant plus que chez J. Courtés, il y a une mise en cause de l’opposition entre le lisible et le visible, puisque le lisible, eu égard au signifiant graphique (typographie textuelle), participe du visible, et réciproquement : dans la bande dessinée, par la bulle, le lisible ponctue le visible. Ensuite, partant du fait que l’œuvre d’un sémioticien est doublement sémiotique, étant donné que métalangage et langage-objet s’y recouvrent, nous avancerons que sur le plan de la manifestation, la production de J. Courtés ne semble compter qu’un ouvrage sur le visible (Du lisible au visible), mais que sur le plan de l’immanence (en filigrane), le visible se déploie, transversalement, dans plus d’un ouvrage. On le trouve déjà dans Le conte populaire (1986). Il y est ouvertement question de sémio-poétisation-, dans la mesure où le motif, principal objet d’étude, a partie liée avec le visible sous sa forme picturale, tel qu’il est emprunté à E. Panofsky. Aussi retrouve-t-on le visible dans Sémantique de l’énoncé : applications pratiques (1999), où, il acquiert cette fois-ci une valeur cinématographique, vu que le point de vue énonciatif repose principalement sur les angles de prise de vue, autant de mouvements de la caméra en perspective.
On en arrive au troisième trait distinctif de l’enseignement et de la recherche de J. Courtés : celui de l’énonciation comme acte sémiotique. A ce niveau, trois points marquants méritent d’être soulignés (seconde constellation, spécifique), en l’occurrence, l’interaction entre l’énonciateur et l’énonciataire, la génération de l’objet sémiotique par l’énonciation et l’orientation énonciative.
L’interaction entre l’énonciateur et l’énonciataire germait déjà dans la complexité de l’Enonciateur, en ce sens que celui-ci recouvrait, syncrétiquement, ces deux partenaires de la dynamique énonciative. Et il suffit de se reporter au Dictionnaire de sémiotique (1979), à l’entrée « énonciateur/énonciataire », pour s’en convaincre. La complexité de l’Enonciateur a amené J. Courtés à revisiter le statut sémiotique de l’énonciataire : alors qu’il était relégué au second plan, assimilé à un simple récepteur de l’objet sémiotique, l’énonciataire devient un actant à part entière dans la production de la signification, participant pleinement à sa construction. Du lisible et le visible (1995) s’attache alors à systématiser l’interaction entre l’énonciateur et l’énonciataire, en reconsidérant celui-ci à sa juste valeur. On croise à nouveau l’impact du pictural en particulier et du visible en général sur l’approche courtésienne de l’énonciation. Car, en peinture, il arrive, comme dans une toile de S. Dali, que le spectateur soit mis en tableau, prenne part à la construction de la signification de l’œuvre d’art à même ce qui est peint. Et J. Courtés d’écrire à cet égard : « que l’on pense ici, par exemple, à l’introduction de la perspective albertienne (dite aussi « centrale » ou « classique ») – et, par la suite, aux perspectives « cavalière » ou « parallèle » (où le point de vue est situé à l’infini : il s’agit là d’une projection oblique), mais également « aérienne », etc. – qui indique très précisément la position (virtuelle et, en même temps incontournable) du spectateur. » (« L’énonciation comme acte sémiotique », op. cit., 1998, p. 9).
Qu’en est-il du deuxième point, celui de la génération de l’objet sémiotique par l’énonciation ? Un objet sémiotique s’articule en une forme du contenu (signifiés virtuels syntaxiques et sémantiques) et une forme de l’expression (signifiants virtuels). L’énonciation comme acte sémiotique met en circulation entre l’énonciateur et l’énonciataire un objet sémiotique qu’elle génère. Si l’énonciation procède du domaine de l’actualisation, l’objet sémiotique participe du domaine de la virtualisation. Quelle relation y a-t-il entre l’objet sémiotique et l’acte d’énonciation ? Dans la période antérieure à Du lisible au visible, l’énonciation se déployait au sein même de l’objet sémiotique, au niveau de la forme du contenu, tandis que, dans la période postérieure, elle devient englobante et génératrice ; elle contient l’objet sémiotique tout en le produisant. Les rôles s’inversent donc, avec plus de dynamisme à l’énonciation.
On en vient à l’orientation énonciative, troisième point saillant. Auparavant, voici comment se présente un objet sémiotique énonciativement parlant. Celui-ci s’articule en énonciation énonçante, l’acte énonciatif proprement dit, et énonciation-énoncée qui, dans un texte, apparait sous forme d’un simulacre de l’énonciation énonçante. L’énonciation-énoncée se manifeste comme telle dans l’énoncé-énoncé (ou texte). Les opérations d’embrayage et d’embrayage interne se révèlent ici opératoires. Or, l’orientation énonciative concerne le sens (direction) du mouvement entre l’énonciation-énoncée et l’énoncé-énoncé.
L’approche de ces deux composantes s’effectue en effet dans deux orientations opposées, selon le principe de la successivité : d’abord, de l’énoncé-énoncé à l’énonciation-énoncée ; ensuite, en sens inverse – de l’énonciation-énoncée à l’énoncée-énoncé. Suivant la première orientation, le sémioticien remonte le cours du discours en s’efforçant de restituer, à travers l’énoncé-énoncé (les traces laissées par l’énonciateur), les formes de l’énonciation-énoncée. Sont représentatifs de ce mouvement à rebours le Dictionnaire de sémiotique, premier volume, et, surtout, Analyse sémiotique du discours : de l’énoncé à l’énonciation, de J. Courtés. Suivant la seconde orientation, le point de départ de l’exploration sémiotique est plutôt l’énonciation-énoncée, qui mène à l’énoncé-énoncé (point d’arrivée) ; elle suit désormais le cours même du discours. Ce changement d’orientation ou aiguillage ainsi opéré n’est pas sans conséquence théorico-méthodologique. Dans l’orientation à rebours, l’énonciation-énoncée relève seulement de la présupposition logique, elle est quasi-statique, tandis qu’elle devient dynamique dans l’orientation inverse, puisqu’elle est génératrice de l’énoncé-énoncé. D’autre part, l’énonciation-énoncée et l’énoncé-énoncé ne sont plus située au plan de la forme du contenu, mais désormais à celui de la forme de l’expression. Bien plus, J. Courtés entend même revisiter le sens du parcours génératif de la signification. Par ailleurs, ce changement d’orientation ouvre à nouveau la voie au visible et globalement à toute expression non verbale, et Du lisible au visible reste exemplaire de ce renversement de perspective. C’est ainsi que J. Courtés se fraye un chemin nouveau parmi les sentiers, combien épineux, des études énonciatives. C’est dans cette optique que furent soutenues des thèses de doctorat (NR), celles d’Abdelmajid Abou Tariq, d’Assiya Bouayyad, ’d’Anouar Ben Msila, d’Yves Dakoo, de Tijania Hidass, de Chakib Tazi, entre autres.
En guise de clausule : d’une constellation sémiotique l’autre, qu’en restera-t-il maintenant que J. Courtés s’en est allé vers la contrée du « non-sens », qui n’en est pas moins sensée pour autant ? L’œuvre, à l’évidence, mais aussi l’enseignement. Et c’est là qu’intervient le rôle décisif de la transmission. Il s’agit plus d’initiation, soit un cheminement et un compagnonnage, que de « vulgarisation » des savoirs. L’initiation n’est pas un ajout à la théorie sémiotique, mais lui est intrinsèquement liée : initiation et schéma narratif se fondent et se confondent. L’initiation procède en effet d’un parcours déployant, simultanément, une transmission de la part de l’enseignant-chercheur (compétentialisation) et une réappropriation de la part de l’étudiant-chercheur (performance créatrice). La sémiotique, c’est davantage un savoir-faire en cours qu’un savoir achevé. Ces deux partenaires du parcours initiatique s’inscrivent dans une relation d’interaction, à l’image des deux partenaires de l’acte d’énonciation (énonciateur et énonciataire). Après tout, l’enseignement, c’est du discours. Initiatique fut en effet le séminaire de J. Courtés : bon nombre de ses étudiants, ayant assisté, voire un peu participé, à l’élaboration de son œuvre, sont devenus à leur tour enseignant-chercheur, tout comme certains de leurs étudiants-chercheurs initient eux-aussi à la sémiotique, et ainsi de suite.