Hommage à Pierre Pellegrino

Pierre Pellegrino (1947-2022)


in memoriam

A l’ami et compagnon de route.

Introduction

Architecte Diplômé de l’Université de Genève, Docteur d’Etat en Lettres et Sciences Humaines, Université deToulouse (dir. Raymond Ledrut), Professeur des Universités, Professeur titulaire à l’Université de Genève, Professeur à l’Institut National des Sciences Appliquées de Strasbourg. Président d’Honneur du Centre de Recherche en Architecture et Architecturologie (CRAAL) qu’il a fondé à Genève et de l’International Council for the Architectural Research (ICAR). Enseignant invité au Portugal, Mexique, Russie et mandaté pour de multiples expertises en Suisse et à l’étranger. Membre plusieurs années du comité de rédaction de la revue Espaces et Sociétés, il a également été éditeur de la revue internationale Environment, Land, Society, Architectonics (ELSA) et directeur de collection La Bibliothèquedes formes, chez Economica/Anthropos. Il a contribué à fonder l’Association Internationale de Sémiotique de l’Espace (AISE/IASSP) à la fin des années 1970, dont il a été Président d’Honneur, puis à créer, récemment en 2019, une nouvelle Association Internationale de Sémiotique de l’Espace et du Temps IASSp+T/AISE+T, dont il fut également Président d’Honneur.

Son apport comme organisateur de colloques, catalyseur de recherches, éditeur ou auteur de textes scientifiques a été considérable dans ce domaine. Il a publié de nombreux ouvrages dont une somme en quatre volumes sous le titre générique, Le sens de l’espace, V1 : L’époque et le lieu (2000), V2 : La Dynamique urbaine (2000), V3 : Les Grammaires et les figures de l’étendue (2003), V4 : Le Projet Architectural (2007), Economica/Anthropos. Et parmi ses très nombreux articles scientifiques, on peut citer :

« Sémiotique de l’espace, Essai en l’honneur de Thomas Sebeok », Cruzeiro Semiòtico, Porto, Special issue, 1995.
« Spaces of relevance, times of constancy », Semiotica, Tribute to Luis Prieto, Special issue, Mouton de Gruyter, New-York, 122/1998.
« L’espace, le temps, l’image et le texte », L’Espace dans l’image et dans le texte, Quattro Venti, Urbino, 2000.
« Semiotic of space », Encyclopedia of Language and Linguistics, Elsevier, Oxford, 2005;
« Semiotic of architecture », Encyclopedia of Language and Linguistics, Elsevier, Oxford, 2005.
« Configuration, figure », Nouveaux Actes sémiotiques, Limoges, 111/2008.
« Meaning of space and architecture of place », Semiotica, 175/2009
« Formalization of architectural knowledge », Logics of space, ELSA, Vol.3 : III-IV, 2011.

Il a laissé un dernier travail inachevé, un ouvrage collectif dont il était l’éditeur, qu’il n’a pu mener à terme en raison de sa maladie, et qu’il voulait publier en ligne (ELSA&S), L’Architecture du sens, Sémiotique de l’espace, Vol.1 Structure, Fonction, Fiction, initié à partir d’un texte-prétexte d’Umberto Eco disparu en 2016, à qui il voulait rendre un hommage.

Ses principaux mentors furent Martin Krampen et Luis Prieto.

  • Martin Krampen (1928-2015), premier président de l’AISE/IASSP, fut professeur dans de nombreuses universités, la Hohschule für Gestaltung d’Ulm, héritière du Bauhaus, ainsi qu’à la Hochschule der Kunst de Berlin et à l’Ecoled’Architecture Université de Genève. Spécialiste de sémiotique visuelle, il a travaillé à partir de la théorie de l’information sur le design industriel. Artiste peintre, il est connu aussi pour ses recherches sur la phytosémiotique et la biosémiotique, introduction de la biologie en sémiotique, à laquelle il a contribué au début des années 1980 avecThomas Sebeok.
  • Luis Prieto (1926 – 1996), linguiste et sémiologue argentin disciple d’André Martinet et d’Eric Buyssens, fut professeur à l’Université Paris XIII puis à l’Université de Genève (chaire Ferdinand de Saussure). Son livre majeur, Pertinence et pratique (1975), a profondément et durablement marqué Pierre Pellegrino, notamment les considérations de l’auteur sur l’épistémologie et la théorie de la connaissance, élaborées sur l’opposition phonétique (science de lanature)/phonologie (science de l’homme) à partir du concept de pertinence. Une longue amitié et collaboration va naitre entre eux, et à la disparition de Luis Prieto Pierre lui dédiera un numéro spécial dans la revue Semiotica (Tribute to Luis Prieto, Special issue, 122/1998).
  • Une troisième influence fut celle de l’architecte enseignant à Paris (UP6) et chercheur Philippe Boudon, à l’origine du néologisme architecturologie, science de l’architecture du point de vue de la conception, distinguée de l’architecturecomme pratique, opposant recherche fondamentale, architecturologique, et recherche appliquée, architecturale. Tout en s’appropriant du terme, Pierre lui donnera une inclinaison différente, plus épistémologique et interdisciplinaire. La réflexion épistémologique sur le savoir architectural occupera, en effet, une grande place dans son travail. Il chercheraégalement avec des mathématiciens à appliquer l’informatique à la conception architecturale pour élaborer des programmes CAD ou design assisté par computer (Arquitectura e informatica, G G Basicos, Barcelona, 1999).

Bref historique de la sémiotique de l’espace : principaux repères chronologiques (par Pierre Pellegrino)

Je reprends ici, en partie, un texte récent que Pierre avait écrit pour retracer rapidement, de son point de vue, l’histoire de la sémiotique de l’espace, à l’occasion de la création de la nouvelle association IASSp+T /AISE+T. Véritable mémoire de cette aventure intellectuelle, organisateur de nombreux colloques qui ont fait date, il en avait gardé les archives pour reconstituer la genèse et l’évolution : il voulait, effectivement, écrire une histoire plus développée et complète de cette recherche sémiotique sur l’espace architectural et urbain, et sur le paysage, dont il était intensément convaincu de la nécessité. Le temps lui a manqué.

« Depuis la seconde moitié du XXe siècle, la recherche sur la sémiotique de l’espace s’est développée à partir de plusieurs points de vue et dans plusieurs directions. Ces recherches ont été publiées dans plusieurs collections scientifiques et revues de référence, notamment Semiotica, sous la direction de Thomas Sebeok, puis de Marcel Danesi, ou encore dans Cruzeiro Semiotico (Porto), dans la revue Communications, la revue Degrés, le site Semiotic Web, la revue Zeitschrift für Semiotik… Ces recherches ont débuté, au milieu des années 70, où nous avions, à Genève, sous l’égide des professeurs Martin Krampen et Luis Prieto, tenu plusieurs séminaires de recherche en invitantdes collègues de l’étranger à présenter leurs travaux sémiologiques, Umberto Eco, Ugo Volli et d’autres, afin de discuter d’une possible sémiotique de l’architecture.

Années 1970
L’Association Internationale de Sémiotique de l’Espace (AISE) a été créée en 1974, à Urbino, à l’instigation du Professeur Pino Paioni.Depuis cette date, des travaux ont été périodiquement repris et discuté dans cette association par ceux qui s’y sont regroupés : au début,avec Geoffrey Broadbent, Omar Calabrese, Paolo Fabbri, Manar Hammad, Martin Krampen, puis avec Pierre Boudon, Alexandre Ph. Lagopoulos, Albert Lévy, Sylvia Ostrowetsky, Josep Muntañola, Pierre Pellegrino, Alain Renier, Irena Sakellaridou… et bien d’autres.

Années 1980
Les premières réunions se firent à Urbino, en 1981, de manière inaugurale, sur la Sémiotique de l’espace ; à Palermo, en 1984, Sémiotique théories et pratiques ; des congrès et colloques, eurent lieu avec des publications, notamment, de manière fondatrice à Andros (Grèce) en 1985, sous la direction de Martin Krampen, Alexandre Lagopoulos et Donald Preziosi, donnant lieu à un numéro spécial de la revue Espaces et Sociétés, édité par Sylvia Ostrowetsky et Pierre Pellegrino, « Espace et sémiotique ».
D’autres réunions importantes se sont aussi tenues à l’initiative de différents institutions (UP6/ Laboratoire d’Architecture n°1) notamment à Albi, en 1981, organisée par Alain Renier, « Espace et représentation », actes publiés par les Ed. de la Villette 1982 ; à l’Arbresle, au couvent de la Tourette, en 1982, toujours sous la direction d’Alain Rénier, avec pour thème « Espace : construction et signification », publiés aux Ed. de la Villette, 1984. A Barcelone et Perpignan, en 1989, sur le thème général Signes de l’humanité et sémiotique de l’espace.

Années 1990
Un congrès organisé à Genève, en 1991, Figures architecturales, formes urbaines, par Pierre Pellegrino, a réuni les contributions de Massimo Bonfantini, Jacques Geninasca, Jean-Blaise Grize, Lorenza Mondada, Luis Prieto, Thomas Sebeok…, donnant lieu à un ouvrage publié chez Anthropos, 1994.
A Berlin, en 1992, Sémiotique, esthétique et signification de l’espace ; à Berkeley en 1994, Synthèse dans la diversité : espace et représentation de l’espace, architecture sémio-topie et sémio-logie ; à Saint Petersbourg, en 1995, L’homme et la ville : espaces, formes et substances ; à Genève, en 1996, Figure architecturale et forme urbaine, articulations épistémologiques entre architectonique et sémiotique ; à Guadalajara, en 1997, Sémiotique entre nature et culture ; à Thessalonique, en 1997, Sémiotique et culture ; à Urbino, en 1998, L’espace dans l’image et dans le texte , avec un ouvrage publié en 2000 ; à Dresden, en 1999, Sémioses dans les systèmes complexes.
D’autres colloques ont été tenus conjointement par d’autres associations, notamment à l’initiative de l’Association Internationale de la Sémiotique Visuelle (AISV) : à Blois, 1990, sous la présidence de Michel Costantini ; à Bilbao, 1992, sous la présidence de J.-M. Nadal et S. Zunzunegui, Sémiotique et nouvelles technologies : style et identité visuelle, Images et signification visuelle ; à Sao Paulo, en 1996, sous la présidence de Ana Claudia Mei Alves de Oliveira, Sémiotique de l’art, théorisation, analyses et enseignement. Images, visualité, urbanité et intertextualité.

Années 2000
A Barcelone, en 2000, Le futur de l’architecte, architecture, sémiotique et sciences humaines ; à Carthage, en 2001, Intersémioticité de l’espace architectural, en son être, son paraître et sa fiction ; à Lyon, en 2003, Le Projet architectural ; à Barcelone 2004, L’architecture de l’in-différence ; à Strasbourg, 2004, sur Les Formes du Patrimoine ; à Helsinki, en 2007, L’espace et le temps du projet dans la fabrication du monde contemporain, sa complexité, ses ambiguïtés, ses contradictions ; à Québec, en 2001, sous la présidence de Mair Carani, Sémiotique de l’espace et de l’architecture, modélisation de l’espace architectural et urbain, communication visuelle et sémiotique ; à Lisbonne, en 2011, sous la présidence d’Isabelle Marcos, Sémiotique de l’espace / Espaces de la sémiotique, Espaces – temps sémiotiques, urbanisation du tempset/ou désurbanisation de l’espace.

Années 2010
A San Marino, 2011, sous la présidence de Gianfranco Marrone, Le sens des formes urbaines ; à Barcelone, 2014, sous la direction de Juan Antonio Barcelò, l’Intelligence artificielle, l’héritage culturel et la reconnaissance de formes. A Kaunas, en 2017, en se rapprochant destravaux du congrès de l’International Association for Semiotics Studies (IASS), dans une session parallèle, Sémiotique et théorie de la forme : formes de perception, formes de mémoire et formes d’invention (organisée par l’initiative de P. Pellegrino). »

 

Constatant l’épuisement de l’ancienne IASE, Pierre lança à Kaunas (2017) l’idée d’une nouvelle association incluant le temps, en l’ouvrant aussi vers des chercheurs venus de l’Est. La création de cette nouvelle association, IASSp+T donnalieu à deux rencontres :

« à Moscou, 2018, Hétérotopie et paysages culturels, à l’invitation de l’Académie des Arts de Russie ; à Erevan, 2019, Etre et paraître, permanence et transformation de l’espace dans le temps : architecture et paysage, théâtre et performance.
A Buenos Aires, le Congrès de l’IASS, 2019, fut l’occasion de tenir une session sur Trajectoires du sens dans l’espace et dans le temps et uneTable ronde en hommage à Luis Jorge Prieto.»

Parallèlement à cet inventaire chronologique (à compléter), utile rappel historique aux nouvelles générations de chercheurs, Pierre avait proposé également une brève synthèse des résultats et des discussions tenues, au cours de ces différentes rencontres, en retraçant, selon lui, les grandes lignes, les principaux apports et avancées qui ont été faits dans le champ de la sémiotique de l’espace et du temps (je renvoie à son texte publié sur le site de l’IASSp+T), enconcluant :

« Ainsi, de manière générale, depuis quarante ans, les contributions des chercheurs aux différents congrès, colloques et autres réunionsscientifiques de notre Association ont répondu aux questions générales de la production du sens en les traitant et en les reliant à des dimensions d’espace et de temps :

– Le sujet de l’énonciation, la constitution du « moi », le même et l’autre dans l’espace et le temps.
– La représentation de soi et la représentation de l’espace.
– La pragmatique, l’adaptation de la structure au contexte.
– L’articulation de codes spatiaux hétérogènes, le geste et le mot, le mot et l’image.
– La présupposition et l’imbrication de signes dans l’espace et dans le temps, l’icône, le symbole et l’index.
– La superposition et la transformation des structures spatiales, les grammaires génératives et les grammaires de forme.
– L’émergence des formes et les modes d’inférence, déduction, induction, abduction.
– La présence ou l’absence de référence, la fiction et la virtualité de l’objet.
– L’intertextualité, la dialogie et l’interprétation de l’espace et du temps.
– La calibration, le calage et le décalage d’un processus sémiotique sur une structure existante.
– L’espace et le cadre, la disjonction et la conjonction, l’intérieur et l’extérieur.
– La segmentation du temps et du rythme, de la scène et de l’acte. »

 

En soulignant aussi sa propre position dans ce champ d’étude qu’il a tenté de formuler :

« La thèse que nous avons, pour ce qui nous concerne, développée, est que la sémiotique de l’espace est au fondement même de toute sémiotique, puisque la séparation, base de tout espace, précède l’ordre, base de tout argument ; et la composition, unification du divers, préexiste à l’inférence, calcul sur le multiple. Le processus sémiotique se déroulant dans un espace est un passage, un échelonnement et une tension entre nature et culture ; mais il est aussi une médiatisation. L’espace est alors conçu comme trame et recouvrement de la réalité. Cette thèse situe l’espace de la sémiotique entre culture et nature comme entre forme et substance. Ceci étant, dans l’espace, la relation d’investissement (de contenu à contenant) se double d’une relation d’exclusion (d’intérieur à extérieur). Il s’agit dès lors de discuter l’hypothèse selon laquelle l’exclusion de la nature, le corps perdu, déplace la spatialité contemporaine du sens au non sens. »

 

L’avenir de la recherche en sémiotique de l’espace et du temps.

Pour l’avenir, Pierre a voulu léguer aux futurs chercheurs, en guise de « testament », des pistes de travail à explorer avec ce qu’il faut, selon lui, attendre de la nouvelle IASSp+T : ouverture à tous les courants de la sémiotique sans exclusif, aux disciplines intéressées par l’étude de l’espace, à l’objet espace dans ses diverses manifestations, interdisciplinarité et aptitude au débat, principes qui ont toujours guidé son action et ses propres travaux.

« Les réunions, colloques et congrès de Sémiotique, à venir, verront notamment se développer, certaines plus que d’autres, les perspectives qui ressortent des travaux récents de chercheurs dans le domaine de la sémiotique de l’espace et du temps. Notamment, les questions de l’unification, autant que celle de l’ouverture de la discipline, de la complexité autant que de l’économie des modèles, de la diachronie autant que de la synchronie des codes étudiés, seront prépondérantes pour l’avenir des recherches dans le domaine de la sémiotique de l’espace.

À l’avenir, les chercheurs organiseront leurs contributions comme ils ont déjà tendance à le faire par la magie de l’Internet. Ils vont donc, ne serait-ce qu’implicitement, se répondre directement dans des directions remarquables. Néanmoins, il est possible d’esquisser un programme de base qui pourra être mis en œuvre et défini sur des dimensions, telles que : l’espace, le lieu, la forme, la fonction, la structure,la figure … On peut inclure, dans ce type de programme, le développement d’une histoire des idées, non seulement de l’héritage du langage, mais aussi des idées venant d’autres domaines, tels ceux développés par des auteurs de référence en architecture, iconologie, psychologie, philosophie de l’art. Une partie de la recherche présentera, de manière contrastée, l’espace disponible pour différentes civilisations et sociétés. On trouvera également un domaine de recherche où les différentes formalisations contemporaines seront élaborées et discutées : modèles, systèmes, concepts spécifiques aux courants reconnus.

Un ensemble de travaux traitera plus spécifiquement différents objets et domaines de recherche particuliers à des pratiques telles que la peinture, la sculpture, l’architecture, la littérature, le théâtre, le cinéma, la danse. D’autres seront ouverts à l’interdisciplinarité, à l’interaction entre la sémiologie et des disciplines telles que la sociologie, la psychologie, la zoologie. Les sciences cognitives et neuronales devraient permettre à la sémiotique de vérifier, de corriger et de développer la description et l’explication qu’elle donne du processus de sémiosis de la sensation, de la première réception jusqu’au sens complet de la compréhension de l’espace et du temps. Ce type de travailmontrera également l’apport de la sémiologie à d’autres disciplines et aux reformulations qui en émergent.

L’ensemble des perspectives que j’esquisse ici, uniquement pour indiquer des points de repère, n’offre qu’une métaphore architectonique des travaux des chercheurs pour les décennies à venir. Mais, après tout, l’architecture peut être comprise comme n’étant qu’une immense métaphore et un aperçu de l’architecture du sens, des codes et des langages ne peut que l’être, plus ou moins.

L’Association Internationale de Sémiotique de l’Espace, et maintenant aussi du Temps, n’a pas l’ambition de couvrir, et encore moins d’organiser, tous les champs de recherche travaillés par les études sémiotiques. C’est plutôt un club ouvert où se rencontrent, périodiquement, et de manière variable, des chercheurs qui ont quelques résultats significatifs à présenter et à partager avec quelques-uns de ceux qu’ils considèrent être leurs collègues. »

(Pierre Pellegrino, Lausanne, 01.03.19)

Albert Levy

 

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