Impossible en ce qui me concerne d’évoquer la personne de Paolo Fabbri sur le mode du passé et désormais d’un passé révolu. Activons tout de même le souvenir, avec d’autant plus de difficulté qu’il est vif.
Réunion autour de la table d’une cuisine campagnarde dans la maison paysanne qu’habitait Paolo à la fin des années soixante au flanc de l’une de ces collines urbinates striées par la vigne disposée en lignes entre lesquelles croissent le blé ou le froment. Tout en partageant une polenta étendue au centre de la table sur la planche et assaisonnée d’une sauce à la salsiccia, le débat portait (déjà!) autant sur les extraordinaires promesses que sur les limites de la sémiotique structuraliste défendue par Greimas et ses élèves : Sémantique structurale était paru chez Larousse en 1966. A l’égard des formes de discours et des textes qui sollicitaient notre attention, les développements sémio-narratifs que Greimas nous invitait à envisager en termes structuraux, Paolo les insérait dans les processus d’un domaine où il excellait lui-même : la communication. Le très jeune boursier au Centro di Studi sulla lirica greca de l’Université d’Urbino comprenait que, par l’intermédiaire de ce qui deviendrait la pragmatique, son approche linguistique des poèmes grecs et des mythes qu’ils mettent en scène ne pouvait que se doubler d’une anthropologie, culturelle et sociale. Car, ne l’oublions pas, avant Bologne, Venise, San Diego, UCLA et Paris, Paolo Fabbri a été l’instigateur de la création à l’Université d’Urbino du Centro Internazionale di Semiotica e Linguistica , avec ses cours d’été largement animés par les collaboratrices et collaborateurs de Greimas, et avec ses Documenti di lavoro e prepubblicazioni, en quelque sorte précurseurs des Actes sémiotiques.
Claude Calame
Directeur d’études
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
Centre AnHiMA (Anthropologie et Histoire des Mondes Antiques, UMR 8210)