L’homme des huit thèses
Hubert Damisch et la question sémiotique
« – Je voudrais seulement essayer de regarder le tableau. Oublier l’iconographie. Voir comment il fonctionne…
_ Ce n’est pas de l’histoire de l’art.
– Disons que ce n’est pas dans ses habitudes. Il serait peut-être temps que ça change. »
DANIEL Arasse
Passeur et novateur
Sur les bancs de la rue d’Ulm, non loin de Daniel Arasse, j’eus une sorte de révélation à l’écoute d’Hubert Damisch, quelque part vers 1969. Depuis un certain temps déjà, j’étais en quête d’une méthode qui faisait cruellement défaut aux analystes des images et œuvres d’art de mon corpus – l’art grec antique. C’est alors que j’entendis parler pour la première fois de la triade primitive, Riegl, Morelli (ou, si vous préférez, Ivan Lermolieff), et Wöllflin – à qui l’on ajouterait bientôt, en quatrième mousquetaire, Giovanni Battista Cavalcaselle. Mais il ne s’agissait pas d’une simple livraison de savoirs : si Damisch était un passeur, c’était toujours, dans le même mouvement, un révélateur, et un innovateur – ce qui pouvait nous intéresser chez ces gens-là, ce en quoi ils pouvaient nous servir pour orienter notre propre quête et organiser notre propre vision, voilà ce qu’il nous révélait[1].
En ces lieux où l’on croisait facilement Louis Althusser, et sa pluralité d’histoires spécifiques relativement autonomes, j’appris que l’on pouvait sans doute aspirer à
faire de l’histoire de l’art une discipline autonome en lui assignant son objet propre (…). A la façon dont la linguistique d’inspiration saussurienne devait se constituer à son tour comme science, vingt ans plus tard, en se donnant pour objet non plus de langage, au sens le plus général du terme, mais la langue considérée en tant que système qu’y ne connaîtrait que son ordre propre, essentiellement synchronique,
comme l’écrirait Hubert Damisch en 1992, dans « Le texte mis à nu », sa préface à la traduction française des Questions de style d’Aloïs Riegl. C’était, ces bancs-là, peu avant que sur un quai de la Seine je découvre la théorie de Greimas, mais c’était déjà la voie ouverte à la sémiotique de l’image telle que j’essaierais de la pratiquer.
En ces lieux où l’on croisait facilement Louis Althusser, et son obsession du théorique – on en trouve des échos, qui sont autant d’affinités, chez Damisch, notamment dans sa Théorie du nuage[2]– , j’apercevais enfin, en amont de la Terre promise, la belle nef qui seule pouvait nous y faire aborder, fendant avec mépris les flots tellement apaisants mais ternes et vains de la routine d’alors, mélange ordinairement plat d’informations pointillistes et d’élans débridés de la subjectivité. Ce fut le temps du bel « appétit théorique », d’une vraie appétence pour une « vision radicalement théorique de la signification »[3]. Damisch était un fondateur, qui créait le cercle Histoire/théorie de l’art, et dont l’article-manifeste « Histoire et/ou théorie de l’art » devait paraître dans le premier numéro de Scolies, cahiers de recherches de l’Ecole normale supérieure, en 1971 (la même année, Damisch publiait un autre morceau d’importance dans les Annales, sous le titre « Figuration et représentation : le problème de l’apparition »). En 1971, et ce contrairement aux références parfois données à 1978, la chose a son importance : on doit, en cette affaire, se situer avant ou après Théorie du nuage, théorie justement que l’on doit entendre en son double sens grec, abstraction anhistorique et procession historique : importait avant tout « d’atteindre des moments et des objets qui ‘font histoire’ dans l’art », ainsi Damisch répondra-t-il à Giovanni Careri, lors de leur entrevue de 2013.
Sur cette « histoire dialectique, qualitative, du travail pictural dans sa relation nécessaire à une théorie de l’art », histoire faite « des résistances, des censures, des refoulements et des effets de contradiction – ou de travail – de la théorie dans la pratique », Louis Marin discernait l’essentiel en 1974[4].
Le prolongement sémiotique de cette approche devait donner une attention plus particulière pour le jeu des synchronies et de la diachronie.
Or, la théorie n’a de sens qu’à se mettre à l’épreuve de la pratique alors même qu’elle en est issue, autrement dit la lecture des pratiques empiriques par les pratiques théoriques doit être poussée à la généralisation et à l’abstraction les plus rigoureuses dans une « théorie des pratiques théoriques », avant de se constituer un corpus d’instruments susceptibles de relire, en les éclairant d’un jour nouveau, ces mêmes pratiques empiriques. Ce qui engendre une articulation possible – et historiquement attestée, y compris par des coïncidences spatiales (tels les bureaux de la rue Monsieur le Prince) – entre la révolution damischienne et la sémiotique visuelle de l’Ecole de Paris.
Qu’avaient donc en commun, parmi d’autres affinités, des penseurs pourtant aussi différents que Derrida et Althusser, Bourdieu et Lévi-Strauss, et, singulièrement, pour ce qui nous concerne, Damisch et Greimas ? Précisément ce souci du lien étroit qui noue la pratique et la théorie, une relation fondamentalement dialectique[5], qu’ils concevaient, monnayaient, déclinaient différemment les uns des autres, au demeurant, et dont la considération ne manquerait pas de pertinence pour décrire le rapport établi ou à établir entre le va-et-vient damischien comme entre texte visuel et théorie greimassienne, de même que pour définir ce qu’il y a lieu d’entendre par sémiotique de l’image et/ou de la peinture. Or, trouver ce juste rapport était encore d’actualité, trente ans après, chez les sémioticiens de stricte obédience (nous n’avons pas dit les greimassiens rigoristes). Trente ans après, oui, pour nous contenter d’un seul exemple, Hubert Damisch était un des triumvirs du comité de patronage de VISIO, revue officielle de l’association internationale de sémiotique visuelle, en compagnie d’Umberto Eco et de Boris Uspenskii : dans le numéro thématique consacré à « Esthétique et sémiotique », à l’été 1996, l’article « Pablo Picasso et les Ménines de Velázquez »[6] était signé Omar Calabrese, qui, proche en cela des conceptions du cercle « Histoire et/ou Théorie de l’art », y exprimait avec une particulière vigueur sa conception de la relation entre sémiotique et histoire de l’art, maintenant une tension constante, et épistémologiquement féconde, entre la précision historique et la rigueur théorique.
Le maître des sentences
La chance nous fut donnée, donc, à nous très jeunes ou à peine moins jeunes chercheurs de connaître le temps d’élaboration de ce livre révolutionnaire, à nos yeux, et d’échapper par ailleurs à ce qu’Hélène Cixous, dans une entrevue récente[7], décrivait sur un mode que les ignorants plus ou moins volontaires, ou les oublieux partisans du « c’était mieux avant » tiennent aisément pour exagéré, voire hybristique, alors que c’est l’exacte expression de ce que l’on pouvait vivre : « un endroit qui respirait le moisi, le passé », « un monde mité. Pas mythologique, mité » (il s’agit de la Sorbonne, mais plus profondément on pourrait le dire de l’esprit de la plupart des enseignements dans l’Université d’alors, et de l’histoire de l’art en particulier, qu’Elizabeth Lebovici a pu qualifier de « néolithique », en s’excusant d’ailleurs auprès de ce dernier). Et à l’instar de toute révolution celle-ci pouvait se résumer à quelques slogans, qu’il vaut mieux célébrer comme des énoncés phares, ou comme des amers sur lesquels se guider. N’en retenons ici que deux, qui furent des plus prégnants.
« Par les moyens qui sont ceux de la peinture »
Soit cette première formule, issue, en 1972, de Théorie du nuage (p. 125). Et les variantes « par les moyens qui sont ceux de l’ ‘image’ elle-même » (Damisch 1974), ou « par les moyens qui sont ceux de cet art »[8]. Pour le sémioticien, deux leçons sont à tirer. La première est qu’il s’agit avant tout de considérer les matériaux et les instruments de conception, de construction de l’œuvre, et que ces moyens ne sont pas n’importe lesquels, mais ceux qui définissent, par leur emploi, l’art même qu’ils servent. En cela, ces moyens sont proches de ce que les spécificateurs russes comme Eichenbaum puis Jakobson nommèrent le procédé, aboutissant à rechercher et définir la littérarité : il s’agit alors de souligner que la spécification de la littérarité d’un texte verbal n’est pas celle d’un texte iconique, que les deux catégories sont closes, mais avec des zones de transit et des règles de transposition, et de poser la possibilité de faire passer une analyse spécifique à l’un vers l’autre, moyennant ces règles – plus encore, d’en tenter l’effectuation. Et il n’est pas indifférent que le deuxième article de Damisch dans sa bibliographie généralement répertoriée, le huitième dans sa bibliographie exhaustive, mais le premier qui significativement annonce la Théorie du nuage quatorze années avant la parution de l’ouvrage majeur, parle en son titre d’un « outil plastique » (Damisch 1958). S’agissant des transits et transpositions, Hubert Damisch, dans l’article programmatique « Histoire et/ou Théorie de l’art », soulignait avec justesse combien quelqu’un comme Roman Jakobson avait admirablement posé le rapport entre la couleur et le phonétisme ; il y reviendra en 1982, dans « La géométrie de la couleur », écrivant à propos de Cézanne :
« (…) s’il y a une chose qui est à mettre en rapport avec la couleur, c’est le phonétique comme le dit admirablement Jakobson ».
Inutile de souligner qu’on se situe là aux antipodes du transfert automatique, calque mécanique au pire sens (tel que l’entend précisément et le fustige Jakobson), que certains, dans les mêmes temps, pouvaient prôner, au prix de sérieux ravages, comme en témoignent telle thèse d’Antonio García-Berrio[9], tels articles de Dora Vallier[10]. Et c’est ainsi que les outils de la sémiotique visuelle peuvent partiellement prétendre faire fructifier, pour une part évidemment non exclusive, l’héritage d’Hubert Damisch.
« Le nom de Giotto »
Le concept, car c’est un concept, est apparu dans l’article de l’Encyclopædia universalis que Hubert Damisch consacra à Giotto en 1970. Ce nom de peintre-symbole fonctionne ou plutôt est destiné à fonctionner à trois niveaux dans le langage. Tout d’abord, dans le langage de l’histoire de l’art ordinaire – entendez non théorique –, le nom « Giotto » sert de clef, ou de sceau, teinté en général de révérence, voire de vénération, pour désigner la Renaissance (de la peinture italienne, donc de la peinture occidentale, donc de la peinture tout court, universelle…). C’est alors que le nom-de-Giotto damischien vient subvertir le propos, désignant l’opérateur d’une mutation autrement plus fondamentale du point de vue théorique, cette fois. Dénonçant « le travail épuisant de classification » auquel se livre la recherche traditionnelle, enjoignant de « renoncer aux schémas d’une histoire nominale », Damisch s’engage vers le repérage d’un lieu décisif où la différenciation des mains à l’œuvre n’importe pas, où compte seule la bifurcation entre une « volonté de langue » et la simple « marque d’un goût » (Damisch 1970).
Plus précisément, plus concrètement, on dira, en termes d’époque (Théorie du nuage, p. 125) que l’opération d’Assise – la Vita Francisci peinte dans la basilique supérieure – consiste à nous faire quitter « le registre de la peinture entendue comme système de signes », pour nous laisser « entrer dans celui de la peinture conçue comme l’instrument d’une narration ». Enfin, une troisième étape dans la valeur de l’expression « nom-de-Giotto » permet de développer une option plus technique, proprement sémiotique, si l’on désigne ainsi l’ensemble des figures de l’énonciateur, où l’on trouve, dans le cas mentionné, le peintre et ses assistants, les divers commanditaires, les conseillers théologiques romains et/ou franciscains, etc. Alors se concilient au moins une part du souci théorique (il s’agit de l’énonciateur, avec tout ce que véhicule le choix de ce terme) et une part de la minutie historienne, qui cette fois, néanmoins, ne se contente pas de distinguer les praticiens, mais s’attaque aux concepteurs directs et indirects (ainsi, dans une perspective d’intertextualisation, de la Vita Francisci verbale de saint Bonaventure). L’exigence absolue est alors de s’interroger sur la signification (au sens le plus précis quoique le plus englobant du terme) du texte en réseau avec son intertexte, en cherchant à intégrer les données historiques et culturelles, socio-économiques connues d’une histoire de l’art, qui les avait fournies la plupart du temps, mais s’est révélée incapable de les exploiter, de les faire signifier, faute de théorie : de rigueur dans la délimitation terminologique, de cohérence dans l’utilisation heuristique, de correcte évaluation de la portée épistémologique, de juste articulation de la constellation corrélée, co-texte, métatexte, contexte, toutes choses qui ne peuvent être établies qu’au sein d’une théorie sémiotique systématique.
L’homme des huit thèses
Si deux, alors trois : pourquoi ne pas prolonger par une autre ces deux formules d’Hubert Damisch, une autre en forme de programme légèrement dubitatif, programme pour un article, programme pour un chapitre de livre, et surtout programme pour plusieurs générations : « Les voir, dis-tu, et les décrire »[11]. Deux voies d’interprétation possibles, moins contradictoires que complémentaires, mais surtout exigeant une vraie problématique dialectique, autour de ce « et », et intersubjective, autour de ce « dis-tu ». La juste ligne d’Hubert Damisch a été, quelles que soient l’évolution de sa pensée et la variété, la complexité de ses approches, de toujours tenir à distance, pas forcément égale, les exaltés du « seulement voir » et les grands-prêtres du « seulement lire » (donc du « seulement décrire », soit les fanatiques, justement, de la seule description sémiotique), de même qu’il s’écartait et des partisans les plus obtus et les plus rigides de la nécessaire corrélation système/procès et des chantres échevelés et incantatoires du tableau-qui-élabore-à-chaque-fois-son-propre-système. Et ce, en 1997 encore, toujours fidèle à cette ligne, dans ce Souvenir d’enfance… qui apparaît si loin, de prime abord, des fameuses thèses de Milan. On y retrouve un binarisme, certes foisonnant (ouvrir vs fermer, vide vs plein, pragmatique – ostentio vs cognitif – monstratio, synchronie vs diachronie, signifiant vs signifié, paradigmatique vs syntagmatique)[12], mais à la fois ferme et exigeant par son esprit tout de nuances et de souplesse.
La jonction la plus étroite, selon l’apparence formelle du moins, la jonction historique entre l’histoire de l’art sémiologisante ou sémiologisable et la sémiotique visuelle alors en gestation, fut donc ce moment fondateur du premier Congrès de l’Association Internationale de Sémiotique, fut ce temps du nouement initial qui résuma d’emblée bien des travaux déjà avancés et détermina bien des perspectives pour la suite. Et d’abord, preuve de sa force perdurant, un peu de genèse et de postérité :
1974 Hubert Damisch, Rapport général présenté au premier Congrès de l’Association Internationale de Sémiotique. Milano, 2-6 juin 1974.
1977 « Huit thèses pour (ou contre ?) une sémiologie de la peinture », Macula, n° 2, 1977, pp. 17–23.
Désormais les citations se feront la plupart du temps à partir de Macula, négligeant l’origine « officiellement sémiotique » du texte.
1979 « Sur la sémiologie de la peinture ». Le rapport de Milan est publié sous ce titre, dans Seymour Chatman, Umberto Eco et Jean-Marie Klinkenberg (dir.), A Semiotic Landscape : Proceedings of the First congress of International Association for Semiotics Studies, The Hague, Paris, New York, et, simultanément, traduit en anglais, « Eight theses for (or against?) a semiology of painting », Enclitic 3, n° 1, 1979, p. 1- 15.
1980 « Otto tesi pro (o contro?) una semiologia della pittura », dans Omar Calabrese (dir.), Semiotica della pittura, Milan, Il Saggiatore, 1980, p. 123-139.
1985 « Oito teses a favor (ou contra?) uma semiologia da pintura », Gávea,, revista de historia da arte e arquitetura, n°1, 1985, p. 94-102.
Perdurant au vingt-et-unième siècle, dans une diversité dont témoignent (outre les nombreuses citations, références passim) au moins une nouvelle parution en anglais, un commentaire et une inspiration explicite.
2005 « Eight Theses for (Or against?) a Semiology of Painting », Oxford Art Journal, Vol. 28, No. 2 (2005), pp. 259-267
2008 https://pierredelayin.blogspot.com/2008/05/analyse-des-huit-thses-pour-ou-contre.html.
2012 Stefania Caliandro, « Ocho tesis a favor (¿o en contra?) de una semiótica del color », Tópicos del Seminario n.28 Puebla jul./dic. 2012.
De ces thèses, nous ne retiendrons, dans le fil de ce qui vient d’être dit, que quelques-uns seulement de leurs enseignements. Ainsi, la deuxième thèse exige de dissocier au moins partiellement la notion de signe et celle de système, et engage à travailler une nouvelle notion de système, une nouvelle notion de signe, indépendantes de leur conception étroitement occidentale. La troisième récuse l’idée que tous les traits, toutes les marques et autres éléments lisibles dans une œuvre puissent être qualifiés de « signes » indépendamment de l’interprétation qui les déclare tels. A suivre la cinquième, on ne peut pas réduire le système « peinture » à une combinaison d’unités sémiotiques, mais on peut définir un niveau de discours où l’image est lisible, et c’est justement la huitième, conclusive, qui nous engage à considérer la peinture dans l’écart qu’elle creuse entre lisible et visible, un écart qui produit une plus-value.
Or c’est à partir de là que la sémiotique visuelle peut s’épanouir dans un esprit de liberté, qui relativise les instruments rigides dont elle dispose, qui ne sacralise pas les parcours obligés de la découverte, qui ne s’abîme pas dans les recettes toutes faites, où nous cédons à la facilité. Entendons l’ami distant, que l’on eût pu croire hostile, et qui, prévenant, nous sert de guide en se moquant gentiment :
Pas besoin du fameux carré, vous savez, le carré sémiotique, celui qui montre comment pour aller d’une chose à son contraire, il faut passer par son contradictoire pour se retrouver dans l’impliqué ou le contraire passer par l’impliqué pour se retrouver dans le contradictoire et là zip ! c’est facile.
Hubert Damisch, qui affirmait encore, près de vingt ans après ses fameuses thèses de Milan, continuer « de nomadiser en marge de la sémiologie », n’avait jamais cessé, au demeurant, de frayer et de dialoguer avec elle et ce qu’elle était devenue sous la forme dite « sémiotique ». Peut-on lui proposer plus bel hommage que celui que lui rendait Daniel Arasse dans On n‘y voit rien (p. 172 – c’est du même ouvrage, paru chez Denoël en 2000, qu’est tirée mon épigraphe, p. 119, tout comme la citation de l’ami distant, p. 97) ?
Tu n’insisteras pas sur les belles conséquences que Damisch tire de cette analyse ; il faut les lire. Et puis ce qui t’intéresse, toi, égoïste, c’est ce qu’il apporte à ta propre réflexion. Et ce n’est pas mince.
Hubert Damisch, passeur, novateur, inspirateur et guide, merci.
Michel Costantini
DAMISCH Hubert, « Un outil plastique : le nuage », Revue d’Esthétique 1958, 1/2.
– « Giotto », Encyclopædia universalis, vol. VII, 1970, s. v.
– « Histoire et/ou théorie de l’art », Scolies, cahiers de recherches de l’Ecole normale supérieure, 1971/1, pp. 27-36.
– « Figuration et représentation : le problème de l’apparition », Annales, année 1971, 26-3-4, pp. 664-680.
– Théorie du nuage. Pour une histoire de la peinture, Seuil, 1972.
– « Huit thèses pour (ou contre ?) une sémiologie de la peinture », (1974) Macula, n° 2, 1977, pp. 17-25.
– « Le problème de l’antiquaire », in Vers une esthétique sans entrave. Mélanges Mikel Dufrenne, Paris, 10/18, pp. 319-327.
– « La géométrie de la couleur », in Denis Coutagne, éd., Cézanne ou la peinture en jeu, Criterion, Limoges, 1982, pp. 29-49.
– L’origine de la perspective, « Idées et recherches », Flammarion, 1987; « Champs », Flammarion, 1993.
– « Peinture privée », (témoignage sur Marie-Thérèse Lanoa), 1987 ?, mariethereselanoa.fr/hubert-damisch/
– « Le texte mis à nu », préface à Aloïs Riegl, Questions de style [1893], tr. fr., « Collection 35/37 », Hazan, 1992, pp. IX-XXI.
– Un Souvenir d’enfance par Piero della Francesca, « La Librairie du XXe siècle », Seuil, 1997.
– [Giovanni Careri & Bernard Vouilloux], « Hors cadre : entretien avec Hubert Damisch », Perspective, 1 | 2013, pp. 11-23. http://journals.openedition.org/perspective/1670
[1] On notera l’actualité partie de ces anciens-là au tournant du millénaire : modernité de Riegl dont témoignent les traductions françaises de Questions de style en 1992 (préface de Hubert Damisch) à L’industrie d’art romaine tardive, en 2014; modernité de Cavalcaselle et Morelli, qui court des premiers travaux de Stefania Caliandro, notamment dans sa tesi di laurea de 1994 (L’attribuzione come sémiotica implicita, co-rapporteurs Omar Calabrese et Umberto Eco), jusqu’au livre tiré de sa thèse de l’EHESS (sous la direction de …Hubert Damisch), Images d’images. Le métavisuel dans l’art visuel, à L’Harmattan, 2008; l’article fondamental de Morelli « Kunstkenner und Kunsthistorisker » (« Connaisseur et historien d’art ») de ses Kunstkritische Studien de 1890 est entre autres traduit en italien en 1991 (Jaynie Anderson, éd., Della pittura italiana studii storico-critici, Adelphi, Milano, puis en français en 1994 (id. De la peinture italienne, Lagune, Paris); modernité encore de Wölfflin, en nous cantonnant à la sémiotique, v. Claude Zilberberg, « Présence de Wölfflin », (Nouveaux Actes Sémiotiques, n° 23-24, 1992), et vingt ans après, le chapitre 17 de son La Structure tensive suivi de Note sur la structure des paradigmes et de Sur la dualité de la poétique, « Sigilla 1 », Presses Universitaires de Liège, 2012. Cette actualité doit assurément un peu ou beaucoup au mouvement de l’esprit dont Hubert Damisch fut l’initiateur en histoire des arts, pour conserver cette étiquette commode.
[2] Althusser y est cité nommément page 312. Pour de plus amples remarques, cf. Michel Costantini, « Jubilate Virgini, omnis terra, exultate nubes, ou huit thèses pour H. D. », VISIO III, 1, printemps 1998, pp. 97-104.
[3] Comme l’écrit Anne Hénault, présentant la section I A quoi bon la sémiotique ? (pp. 93-101) de l’ouvrage qu’elle a dirigé en 2002, Questions de sémiotique, « « Premier cycle », PUF.
[4] Louis Marin, De la représentation, « Hautes Etudes », Gallimard / Seuil, 1994, pp. 23-45. Il s’agit de son article compte rendu « Champ théorique et pratique symbolique » paru dans Critique 321, 1974, pp. 121-145, à propos du livre de Bourdieu Esquisse d’une théorie de la pratique, et de Théorie du nuage.
[5] Derechef Marin, De la représentation…, p. 15 « (…) comment concevoir la relation double caractérisant le langage à tous les niveaux sinon comme une relation sinon comme une relation à la fois systématique et dialectique, systématique parce que dialectique, dialectique parce que systématique ? » (article « La dissolution de l’homme dans les sciences humaines : modèle linguistique et sujet signifiant », Concilium 86, juin 1973, pp. 27-37).
[6] Visio, vol. 1 numéro 2, été 1996, pp. 25-30.
[7] Télérama n° 3545-3546, du 23 décembre 2017 au 5 janvier 2018, pp. 3-9.
[8] «(…) une vie toute entière placée sous le signe de la peinture, traduite en peinture, vécue comme à peindre, et voulue, désirée, célébrée, j’oserai dire jouie, par les moyens qui sont ceux de cet art (…) » (Damisch, 1987 ?)
[9] Ainsi Antonio García-Berrio, Enrike Brinkmann, semiótica textual de un discurso plástico, «Etudes sociocritiques», C.E.R.S. Université Paul-Valéry, Montpellier, 1981, p. 25.
[10] « Le blanc et le noir dans l’art abstrait » (A Semiotic Landscape / Panorama sémiotique, Actes du Ier congrès de l’A. I. S. Milan juin 1974, « Approches to semiotics » 29, Mouton, The Hague, pp. 825-829) ou « Malevich et le modèle linguistique en peinture » (Critique 334, mars 1975, pp. 284-296).
[11] « Les voir, dis-tu, et les décrire », Versus. Quaderni di studi semiotici, [« Testi visivi » a cura di Omar Calabrese], n° 29 mai-août 1981, pp. 33-57. Cf. Damisch 1993: 297.
[12] Pour plus de détails, je me permets de renvoyer à mon « Jubilate Virgini… », op. cit., notamment p.103.