Séminaire international du Séminaire de Paris 2021-2022

CARTOGRAPHIES DES RELATIONS, EXPERIENCES DE L’ESPACE
REPRESENTATIONS DU SENS EN ESPACE ET ANCRAGE SPATIAL DE LA SIGNIFICATION

 

Responsables pour l’année 2021-22
Pierluigi Basso Fossali, Maria Giulia Dondero, Marion Colas-Blaise

 

Présentation

Le Séminaire international de sémiotique a déjà essayé de faire le point sur la sémiotique de l’espace entre 2008 et 2009 en travaillant sur les relations entre la spatialité perceptive et la mise en forme linguistique de l’espace selon des élaborations figuratives et narratives. Dans un premier bilan rédigé1, on a pu constater que pas mal des questions étaient encore ouvertes. En particulier, la significativité des transpositions entre expérience de l’espace et discours sur l’espace laissait encore dans l’ombre une véritable problématisation de l’espace, en dehors de celui qui est apparemment maîtrisé à travers la déclinaison figurative et l’économie propre à un monde possible élaboré textuellement. En effet, l’espace textuel ne peut pas être conçu comme une construction unilatérale : la structuration d’un site comme ancrage d’une pratique énonciative relève nécessairement d’une série de relations dialogiques. L’espace pratique se définit au fur et à mesure que l’on apprécie la dialectique modale entre les actes et les réactions de l’entour, et même l’espace mis en discours semble souvent échapper à des saisies stables et objectivables (mise en perspective) au profit d’un environnement à la fois perméable et sinueux, atmosphérique et débordant.
Les conclusions des séminaires 2008-09 indiquaient alors (1) que la spatialité ne peut pas être traitée comme une évidence ; (2) que la générativité des espaces (sensoriel, perceptif, énonciatif, énoncé, pratique, institutionnel, etc.) se présente moins comme une suite de transformations à partir d’une origine que comme un circuit de constitutions, (3) que nous sommes face le plus souvent à une flexibilité et une instabilité de l’espace comme signification.

Il nous semble opportun de reprendre ces interrogations et les transformer dans un nouveau projet de recherche collective qui puisse tenir compte des avancements théoriques produits ces dernières années et d’une sensibilisation majeure pour les réflexions écologiques (voir les éditions plus récentes de notre séminaire). Ce projet s’accompagne aussi d’une proposition méthodologique, celle de commencer nos travaux par la réalisation d’une cartographie des perspectives que la sémiotique a utilisées pour aborder une théorie et une analyse de l’espace (topologies, topiques narratives, univers figuratifs, présence et deixis, espace d’implémentation, etc.). L’idée est de construire notre recherche collective à partir d’un état de l’art, qui sera alors distribué sur plusieurs séances, chaque intervention devant idéalement nous inviter à relire aussi des travaux qui ont déjà donné des contributions heuristiques importantes.

Pour construire le programme, nous avons retenu deux critères fondamentaux : (i) des espaces différenciés selon des approches épistémologiques (espace de modélisation, espace praxéologique, espace discursif, espace d’implémentation, espace de présence, environnement, etc.) ; (ii) des espaces-occurrences dont la complexité peut nous solliciter, pendant leur description, la réarticulation entre les plans de la théorie (par ex. l’installation artistique).
Sur le plan thématique, nous voulons suggérer de prendre en compte la coprésence paradoxale de deux tendances :

(i) la première procède à une virtualisation progressive de l’espace, avec la compénétration de plusieurs contextes de référence (pratiques interactionnelles en distanciel, multiplication des écrans), l’“augmentation” numérique des propriétés des objets, la conversion des pratiques collectives en visualisations de big data. La cartographie cognitive (cognitive mapping) de l’espace de vie, développée par les acteurs sociaux, donne lieu de plus en plus à une épisémiotique des topiques existentielles, dans lesquelles les systèmes d’orientation et de détection sont couplés avec des instruments, des médiations numériques, en constituant ainsi des modélisations, voire de véritables théories de l’espace. Ainsi, les imaginaires spatiaux reçoivent aujourd’hui un plan de l’expression, en ouvrant ainsi à une anthropo-sémiotique de l’espace qui peut réinterroger la relation entre les espaces de représentation de la théorie et les espaces diagrammatiques à travers lesquels la cartographie mentale des acteurs cherche à gérer un espace expérientiel de plus en plus pluralisé et virtualisé2 ;

(ii)  la deuxième tendance concerne le paradigme écologique, dans lequel l’espace est convoqué comme niche à laquelle notre vie est couplée. À la représentation écranique (visualisation), au caractère immatériel d’un espace cognitif s’oppose alors la thématisation de l’ancrage, les implications modales liées au fait d’habiter l’espace, le monitorage intégrateur des connexions vitales (Gaïa). Encore une fois, on peut constater que les modèles de la théorie peuvent entrer dans une relation dialogique avec ses paradigmes écologiques ; ils acceptent alors d’héberger une hétérogénéité majeure, de sortir d’une visualisation par plans descriptifs au profit de la prise en compte de couplages, compénétrations, circuits ; l’espace même relèverait d’une morphogènese caractérisée par des seuils qualitatifs et par des synthèses qui ne peuvent pas être réduits aux formes spatiales précédentes.

Une culture de l’espace ne peut que créer des résonances entre iconisations de la théorie et thématisations de l’espace vécu, les médiations sémiotiques et les élaborations discursives témoignant largement de cette épistémè traversée naturellement par des accords et des conflits, des convergences et des démarquages. À ce propos, l’exemplification de l’opposition entre deux tendances générales ne veut pas avoir une valeur diagnostique ou heuristique, mais seulement suggérer une ligne de recherche qui consiste à penser les relations entre, d’une part, les espaces dans lesquels la théorie se construit et, d’autre part, les espaces conçus pour et par les pratiques sémiotiques.

Sur le plan méthodologique, nous souhaitons situer les interventions dans l’articulation entre des espaces différemment élaborés et négociés sur le plan théorique et/praxique. Il est évident que certaines articulations ont été déjà abordées, comme celle entre l’espace discursif et l’espace d’implémentation d’une oeuvre d’art, mais même dans ce cas, plusieurs aspects restent à décrire et à préciser. La sémiotique du projet a travaillé sur les relations entre espace de modélisation et espace de production, mais plusieurs conversions entre les deux sont encore peu explorées, au moins du point de vue sémiotique. On voit bien que la liste serait longue. Parfois la pertinence sémiotique reste problématique, voire à construire (par ex. les relations entre les niches propres aux formes de vie et l’environnement). Dans d’autres cas la sémiotisation de l’espace se présente comme une approche privilégiée, mais largement fragmentaire (les topiques des juridictions de sens avec leurs  fondements, leurs lieux institutionnels, leurs périmètres d’action légitime, leurs espaces d’influence, etc.).

Pour résumer, la proposition de cette année se situe au croisement de deux enjeux principaux : solliciter une réflexion sur les espaces de représentation, de modélisation, de description de la sémiotique actuelle ; tester le « tournant écologique » à partir de nouveaux apports de la sémiotique à la théorie de l’espace (P. Basso Fossali).

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1 : Denis Bertrand et Jean-François Bordron, « Bilan provisoire du séminaire “Espace et signification, I” (2008-2009), Nouveaux Actes Sémiotiques, n. 112.

2 : Sans vouloir généraliser, on constate la présence symptomatologique d’un malaise : plus les cartes et les monitorages sont nombreux, plus le sentiment de désorientation, de perte de toute possibilité de s’auto-localiser, est grand.

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Informations pratiques

Lieu et horaire
Fondation de la Maison des Sciences de l’Homme Maison Suger
16, rue Suger 75006 Paris (M° Odéon)
Mercredi, 13h45-17h00

Pour rejoindre le séminaire en ligne : https://bit.ly/3wFet9G

Calendrier
17 novembre, 1er décembre, 15 décembre, 12 janvier, 26 janvier, 9 février, 2 mars, 16 mars, 30 mars, 13 avril, 4 mai, 18 mai, 1er juin

Conseil scientifique
Juan Alonso Aldama, Pierluigi Basso (coordinateur), Denis Bertrand, Anne Beyaert-Geslin, Jean-François Bordron, Marion Colas-Blaise, Nicolas Couégnas, Ivan Darrault-Harris, Maria Giulia Dondero, Jacques Fontanille, Didier Tsala-Effa.

 

Interventions et Enregistrements audio des séances

2021-2022

Date Intervenants Thème Adresse de téléchargement
17 novembre* Pierluigi Basso Fossali (Université Lyon 2)
Environnement, espace, lieu : petite cartographie de la recherche sur les espaces pertinents pour la gestion de la signification
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Maria Giulia Dondero (F.R.S.-FNRS/Université de Liège)
L’espace expérimental. Le diagramme en sciences et en peinture
Ouverture http://afsemio.fr/saisie/21-22/Seminaire-SaISie_2021_11_17_BassoFossali_Dondero.mp3.zip
1er décembre Jean-François Bordron (Université de Limoges)
Diagramme,
signification et objet

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Valeria Giardino (CNRS/Institut Nicod)
Sommes-nous des « êtres spatiaux » ? Raisonnement et spatialité
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Fabien Ferri (Université de Franche-Comté/UTC)
Disposition des signes, spatialité diagrammatique et espace sémiotique de manipulation : arguments spatiaux sur la justification des diagrammes définis comme des machines sémiotiques
L’espace du diagramme http://afsemio.fr/saisie/21-22/Seminaire-SaISie_2021_12_01_Bordron_Giardino_Ferri.mp3.zip
15 décembre  Enzo D’Armenio (Université de Liège)
Les diagrammes cinétiques dans les espaces virtuels
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Gianmarco Giuliana
(Université de Turin)
Sens et expérience de l’espace dans les réalités virtuelles : stratégies de véridiction des lieux numériques entre image, corps, visage et énonciation
L’espace de l’interaction dans les jeux vidéo http://afsemio.fr/saisie/21-22/Seminaire-SaISie_2021_12_15_DArmenio_Giuliana.mp3.zip
12 janvier Didier Tsala Effa (Université de Limoges)
Sémiotique de l’espace : quelques questions autour d’une in-discipline
***
Alexandre Provin Sbabo (UPEC-Créteil)
L’espace, est-il un non-lieu ?
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Rossana De Angelis (UPEC-Créteil)
L’espace graphique : conceptions, pratiques, transformations

Séance coordonnée par Didier Tsala Effa

http://afsemio.fr/saisie/21-22/Seminaire-SaISie_2022_01_12_TsalaEffa_ProvinSbabo_DeAngelis.mp3.zip
26 janvier

Bruno Leclercq (Université de Liège)
Explorations manipulatoires de formes spatiales à fin démonstrative
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Alberto Romele
(Université de Tübingen)
Détection automatique de la douleur ; ou du paradigme indiciel renversé

Espace technique, espace outillé http://afsemio.fr/saisie/21-22/Seminaire-SaISie_2022_01_26_Bordron_Leclercq_Romele.mp3.zip
9 février

Alessandro Sarti (CAMS/EHESS)
L’espace comme événement : les espaces de possibilité entre structuralisme et post-structuralisme
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Jean-Marie Chevalier
(UPEC)
Les graphes existentiels sont-ils vraiment analytiques ?

Iconicité de l’espace http://afsemio.fr/saisie/21-22/Seminaire-SaISie_2022_02_09_Sarti_Chevalier.mp3.zip
2 mars* François Provenzano (Université de Liège)
Le sens de la rue : conflits 
de sémiose dans l’espace urbain
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Julien Thiburce (UMR 5191 ICAR, ENS de Lyon)
Vers une immersion des étudiants internationaux dans leur futur environnement par la vidéo en 360°
Espace agent, espace agi : ethnographie et modalités d’attestation de l’espace http://afsemio.fr/saisie/21-22/Seminaire-SaISie_2022_03_02_Provenzano_Thiburce.mp3.zip
16 mars Joëlle le Marec (MNHN, PALOC UMR 208)
L’espace institutionnel de la bibliothèque :  épaisseurs, frontières, milieu
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Marta Severo (Paris Nanterre)
Plateformes culturelles numériques : une approche multi-espace
Espace public http://afsemio.fr/saisie/21-22/Seminaire-SaISie_2022_03_16_LeMarec_Severo.mp3.zip
30 mars Jacques Fontanille (Université de Limoges)
Les espaces de l’œuvre sérielle : tendances, périodes, régressions, réseaux, rhizomes, etc.
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Juan Alonso (Université de Paris)
Typologie, topologie et modes d’existence des espaces naturels
Espaces fermés, espaces ouverts http://afsemio.fr/saisie/21-22/Seminaire-SaISie_2022_03_30_Fontanille_AlonsoAldama.mp3.zip
4 mai Marion Colas-Blaise (Université du Luxembourg)
Partition de/par l’espace, espaces de la partition

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Noëlle Batt
(Université Paris 8)
Dynamiques diagrammatiques

Espaces artistiques entre diagrammes et expérience http://afsemio.fr/saisie/21-22/Seminaire-SaISie_2022_05_04_ColasBlaise_Batt.mp3.zip
18 mai
Nicolas Couégnas (Université de Limoges)
Théorie des espaces mentaux et espace pictural
***
Albert Levy (CNRS)
La sémiotique de l’espace : une sémiotique appliquée ?
L’efficacité symbolique de l’espace http://afsemio.fr/saisie/21-22/Seminaire-SaISie_2022_05_18_Couegnas_Levy.mp3
1er juin Jean-Marc Chouvel (Paris Sorbonne)
Le temps comme vecteur sémiotique :
enjeux de la représentation de la musique
***
Marta Grabocz (Université de Strasbourg)
Espace sonore et geste dans la musique contemporaine
Espaces et musique http://afsemio.fr/saisie/21-22/Seminaire-SaISie_2022_06_01_Chouvel_Grabocz.mp3.zip

 

*Les textes des interventions sont disponibles dans l’onglet « Actes de séminaires : prépublications » dans la rubrique « Publications » ou en cliquant ici.