du 13 au 15 septembre 2023
Liège, Université de Liège
colloque organisé par Traverses-ULiège, UCLouvain et Cemti-Paris 8.
Présentation
Le rapport à établir entre les sciences de l’information et de la communication et la sémiotique ne saurait être, quoiqu’on soit tenté parfois de l’y réduire, celui de terrains d’études devant une méthode d’analyse, puisque les SIC ne se définissent pas seulement par des terrains d’études offerts libéralement à l’application de théories et de méthodes.
Pas davantage, ce rapport ne peut être tenu pour interdisciplinaire. Il faudrait, pour l’envisager, soutenir de part et d’autre une autonomie disciplinaire préalable à ce rapport. Or la sémiotique a partie liée, dès son avènement à la fin des années 1950, aux recherches portant sur la communication et les médias1 ; et la constitution disciplinaire des SIC dans les pays francophones a intégré l’approche sémiotique parmi ses méthodes. Ou bien, — ce serait une autre manière de considérer l’interdisciplinarité comme un vecteur insuffisant pour faire le lien entre elles, — la sémiotique comme les SIC sont déjà par elles- mêmes des « interdisciplines »2, en cela peu déterminées par ce qu’elles laissent à l’extérieur de leurs préoccupations.
Un indicateur probant du rapport à considérer est l’existence, au sein des SIC, d’une « approche sémio », dont l’appellation, aujourd’hui communément admise même si elle s’affiche peu à l’écrit3, suffit à marquer la distance avec la sémiotique. D’une part, cette appellation neutralise la distinction entre sémiologie et sémiotique et, plus globalement, les différenciations entre orientations théoriques inhérentes à la recherche en sémiotique (comme elles sont ordinairement rattachées à des auteurs : Peirce, Eco, Greimas, Lotman, Fontanille…). D’autre part, elle tend à articuler la conceptualisation sémiotique avec une autre approche disciplinaire: sémio-pragmatique (Odin4), socio-sémiotique (Verón5), sémio-contextuelle (Mucchielli6), sémio-anthropologique (Boutaud & Lardellier7), sémio- communicationnelle (Charaudeau8 ; Jeanneret9), etc.
Ainsi, l’approche sémio, en ce qu’elle est issue des SIC, peut constituer un point d’entrée pour interroger le rapport avec la sémiotique. Une habitude bien ancrée est d’interroger l’apport que la sémiotique constitue à l’égard d’autres disciplines, et singulièrement pour les SIC10. On se propose, dans le cadre du présent colloque, de renverser cette perspective :
Sous quelles formes, hier comme aujourd’hui, les SIC contribuent-elles à nourrir et à transformer la recherche et l’enseignement sémiotique ?
Un tel questionnement pourra être poursuivi suivant différents axes.
1. Apports critiques
Est visée ici la puissance d’adresse que la recherche en SIC suscite vis-à-vis des théories sémiotiques : objections aux modélisations théoriques et aux partis-pris épistémologiques, défauts d’application des concepts, expositions de cas problématiques ou complexes, révisions ou déplacements terminologiques, conceptions plus engagées et situées du travail scientifique. Les recherches portées vers le domaine numérique, en particulier, offrent un laboratoire d’expérimentation pour les théories.
Les communications pourront, en guise d’éclaircissements historiques et épistémologiques, rendre compte d’apports critiques d’ores et déjà entérinés, ou en adresser de nouveaux en les articulant à l’état contemporain des recherches en SIC comme en sémiotique.
2. Apports méthodologiques et didactiques
L’étude de terrains particuliers, avec les considérations dévolues à leur situation historique, sociale, économique et culturelle, met à l’épreuve, au cas par cas, l’application des méthodes sémiotiques et leur transposition didactique à l’étude des médias et des processus de communication des savoirs. Ce faisant, elle rend compte de leur efficacité et contribue à leur mise en valeur.
Les communications relateront des expériences de mise en œuvre de méthodes issues de la sémiotique tant dans la recherche que dans l’enseignement et l’éducation permanente développés dans le cadre des SIC, en mettant en avant les adaptations et enrichissements qu’elles apportent à ces méthodes, les formes d’analyse et de description poursuivies, les stratégies didactiques nécessaires à les expliquer, à justifier et valoriser leur usage, ainsi que les dispositifs d’apprentissage élaborés pour l’acquisition de compétences info-communicationnelles ou pour l’éducation aux médias.
3. Propositions interdisciplinaires
Les SIC occupent un champ de disciplines où elles avoisinent avec l’anthropologie, la psychologie, les sciences sociales et politiques ainsi qu’avec les sciences de la documentation et des métiers du livre. Elles ont en outre des objets communs avec, notamment, les sciences informatiques et les sciences de la gestion. Elles empruntent aux unes et aux autres des méthodes et des problématiques, et y activent plusieurs rapports de filiation.
Les communications évalueront le degré et la manière dont les relations interdisciplinaires propres aux SIC ont pu avoir une influence sur la sémiotique et contribuent à déterminer l’orientation actuelle de ses choix d’objets. Quel est le champ auquel se réfèrent les SIC et la sémiotique ? Est-ce celui des productions culturelles ? Des usages sociaux ? Et comment la négociation d’un champ commun implique-t-elle de s’entendre précisément sur le sens à donner à ces étiquettes ? Cet axe pourra aussi concerner la manière dont les SIC embarquent la sémiotique dans des généalogies disciplinaires d’extension variable qui redimensionnent l’historicité propre à la discipline (en l’associant par exemple au paradigme de la théorie critique allemande, aux Cultural Studies anglo-saxonnes ou à la tradition des études cinématographiques italiennes).
4. Appuis institutionnels et ouvertures socio-professionnelles
L’organisation des savoirs rapproche ou éloigne, selon les configurations académiques propres à chaque aire linguistique ou nationale, les SIC de la recherche sémiotique. Les communications instruiront l’étude des rapports institutionnels entre SIC et sémiotique, en observant, dans une situation historique donnée ou dans une configuration nationale actuelle, les soutiens que les SIC, par des actions particulières ou du seul fait de leur exemple, ont apporté à la pérennisation et aux progrès institutionnels de la recherche et de l’enseignement sémiotique.
La professionnalisation (hors académie) des SIC est bien mieux définie et plus déployée que celle des sémiologues. Les communications envisageront les leçons et bénéfices que ces derniers peuvent en tirer. Un questionnement critique sur la position des spécialistes de la communication ou «en» communication dans le débat social pourra également éclairer le positionnement social des sémiologues.
Notes :
1/ Voir Badir Sémir, « Sémiotique et langage. Une présentation historico-épistémologique » in Cl. Normand & E. Sofia (dir.), Espaces théoriques du langage. Des parallèles floues, Academia, 2013, p. 279-299.
2/ Voir, pour la sémiotique, Fontanille Jacques, « Textes, objets, situations et formes de vie. Les niveaux de pertinence de la sémiotique des cultures », E/C, 2004. Document pdf disponible en ligne : www.ec-aiss.it/archivio/tipologico/saggi.php (consulté le 10 février 2022) ; pour les SIC, Hermès la revue, 67, « Interdisciplinarité : entre discipline et indiscipline », 2013.
3/ Un indice, toutefois : elle apparaît sous cette troncation dans le dossier « Lexique » de Communication & langages, n° 200 (2019) et, à la même entrée, les sciences de l’information et de la communication sont siglées « SIC ».
4/ Odin, Roger, L’analyse sémiologique des films : vers une sémio-pragmatique. Thèse d’État, École des hautes études en sciences sociales, 1982.
5/ Vérón, Eliseo, La Sémiosis sociale. Fragments d’une théorie de la discursivité, Presses Universitaires de Vincennes, 1987.
6/ Mucchielli Alex, La nouvelle communication: Épistémologie des sciences de l’information-communication. A. Colin, 2000.
7/ Boutaud Jean-Jacques & Lardellier Pascal, « Pour une sémio-anthropologie des manières de table », MEI, 15, 2001.
8/ Charaudeau Patrick, « Comment le langage se noue à l’action dans un modèle socio-communicationnel du discours. De l’action au pouvoir », Cahiers de linguistique française, 26, 2004.
9/ Jeanneret Yves, « Recourir à la démarche sémio-communicationnelle dans l’analyse des médias », in Lafon Benoît (dir.), Médias et médiatisation : Analyser les médias imprimés, audiovisuels et numériques, Presses universitaires de Grenoble, 2019, p. 105-35.
10/ Comme cela a été envisagé dans le numéro 39 de la revue Communication & Organisation, intitulé « Les applications de la sémiotique à la communication des organisations. Entre sémiotique et SIC : témoignages de rencontres, croisements et hybridations », 2011, DOI: 10.4000/communicationorganisation.3035 ; voir aussi le numéro 3 de la Revue française des sciences de l’information et de la communication dirigé par Jean-Jacques Boutaud et Karine Berthelot-Guiet, « La vie des signes au sein de la communication : vers une sémiotique communicationnelle », 2013, DOI : 10.4000/rfsic.413.
Modalités pratiques
Appel lancé le 6 octobre 2022
Échéance de réception des propositions de communication : 15 décembre 2022
Notification d’acceptation de la proposition : 15 mars 2023
Publication d’un site internet dédié au colloque comprenant le programme provisoire : 31 mai 2023
Les participants et participantes sont invités à soumettre une proposition (Times New Roman 12, interligne simple) de maximum 500 mots, en précisant l’axe dans laquelle elle s’inscrit et en indiquant sur une page séparée le titre de la proposition, le nom de l’auteur (ou des auteurs) et les coordonnées professionnelles.
Les propositions sont à envoyer à l’adresse suivante : semio2023@uliege.be
Le colloque aura lieu exclusivement en mode présentiel. Les présentations dureront 20 minutes, suivies de 10 minutes d’échange (conférences plénières : 30 minutes, suivies de 10 minutes d’échange).
Une sélection sera faite par le comité scientifique parmi les présentations après le colloque, et leurs auteurs seront ensuite invités à rédiger un article pour une revue spécialisée.
Inscription au colloque pour les participant-es (couvrant trois déjeuners et les pauses-cafés) : 60 euros. (En cas de difficultés, une aide financière aux participant-es est possible sous certaines conditions.)
Comité organisateur
Sémir Badir (Traverses – ULiège)
Jeremy Hamers (Traverses – ULiège)
Ingrid Mayeur (Traverses – ULiège)
Andrea Catellani (UCLouvain)
Alexandra Saemmer (Cemti – Paris 8)
Conférenciers et conférencières invitées
Jean-Jacques Boutaud (Cimeos – Université de Bourgogne)
Joëlle Le Marec (Paloc – MNHN)
Jean-Claude Soulages (Max Weber – Lyon 2)
Nolwenn Tréhondart (Crem – Université de Lorraine)
Comité scientifique
Driss Ablali (Crem – Université de Lorraine)
Sébastien Appiotti (Gripic – Celsa)
Anne Beyaert-Geslin (Mica – Bordeaux)
Julia Bonaccorsi (Elico – Lyon 2)
Maude Bonenfant (UQAM)
Philippe Bootz (Cemti – Paris 8)
Nataly Botero (Carism – Paris Panthéon Assas)
Serge Bouchardon (Costech – Compiègne)
Valérie Brunetière (Paris Descartes)
Marie-France Chambat-Houillon (Carism – Paris Panthéon Assas)
Enzo D’Armenio (Université de Liège)
Maria Giulia Dondero (Traverses – ULiège)
Ruggero Eugeni (Università Cattolica del Sacro Cuore, Milan)
Maxime Fabre (UCO Laval)
Pierre Fastrez (UCLouvain)
Divina Frau-Meigs (Sorbonne Nouvelle)
Jeoffrey Gaspard (ReSic – Université libre de Bruxelles)
Gustavo Gomez-Mejia (Prim – Université de Tours)
Frédéric Lambert (Carism – Paris Panthéon Assas)
Anna Maria Lorusso (Università di Bologna)
Philippe Marion (UCLouvain)
Eleni Mouratidou (Paris Nanterre)
François Provenzano (Traverses – ULiège)
Christine Servais (Traverses – ULiège)
Emmanuël Souchier (Gripic – Celsa)
Guillaume Soulez (Ircav – Sorbonne Nouvelle)
Gian Maria Tore (Université du Luxembourg)
Matteo Treleani (SicLab – Université Côte d’Azur)