Appel à communication – Congrès de l’Association Française de Sémiotique Détermination, indétermination : la sémiotique entre prévisibilité et imprévisibilité

du 17 au 20 juin 2026
Paris, Université Paris Cité

congrès organisé par l’Association Française de Sémiotique

Présentation

Après avoir consacré ses deux dernières éditions (2022 et 2024) aux enjeux cruciaux de la transition écologique et à la problématique du vivant, l’Association Française de Sémiotique propose, pour son prochain congrès, de d’élargir ces problématiques en interrogeant les notions de détermination et d’indétermination. Ces deux catégories, à la fois conceptuelles et opératoires, traversent l’ensemble des pratiques du sens. Depuis la grammaire phrastique (le déterminant) jusqu’aux positions philosophiques et idéologiques (le déterminisme). Elles permettent de penser le rapport entre ce qui est prévisible et ce qui surgit de manière imprévisible, entre le calculable et l’événementiel, entre la régularité des formes et la surprise du sens.

Depuis ses origines, la sémiotique s’est donné pour tâche de comprendre les structures et les logiques de la production signifiante. La sémiotique structurale a bâti son appareil théorique autour d’un principe d’organisation principalement modélisé par le schéma narratif, qui donne forme à la continuité du devenir symbolique. Ce modèle a longtemps été conçu comme un cadre de prévisibilité, car il rendrait compte des enchaînements, des régularités et des anticipations du sens au sein des discours et des formes de vie. Mais il faut aussi penser la narrativité au-delà de ce paradigme de la régularité, comme une synthèse de l’hétérogène, comme une opération sémiotique qui accueille le discontinu, l’émergent et le fluctuant. Dans cette perspective, la réflexion sur l’indétermination acquiert une portée décisive.

Charles Sanders Peirce, de son côté, considère l’indétermination non pas comme une simple imprécision ou absence de forme mais comme la condition même du sens. De l’articulation entre les catégories de priméité, secondité et tiercéité jusqu’au musement, le signe peircien, en reliant un objet à un interprétant, ouvre un champ de possibles où le sens n’est jamais clos, mais toujours en devenir. L’indétermination est ce qui permet au signe de rester vivant, c’est-à-dire de conserver une part de potentialité dans l’acte même de sa détermination. Dans cette logique du continu et du vague, le sens ne s’épuise pas dans une interprétation unique, il se prolonge, se reconfigure, se déploie dans le temps.

Cette problématique trouve également un écho dans la bio-sémiotique, qui interroge la manière dont les processus du vivant articulent détermination biologique et indétermination évolutive.

Par ailleurs, la sémiotique de la culture de Youri Lotman a également montré que l’indétermination n’est pas seulement une ouverture vers l’imprévisible futur, mais aussi une reconfiguration du passé et une réélaboration souvent source de conflits. Lotman a mis aussi en évidence le fait que les textes culturels parfois programment eux-mêmes l’indétermination ; en réécrivant sans cesse les frontières du sens, ils en font le moteur du dynamisme collectif.

De même, la sémiotique du politique invite à penser les crises, les ruptures et les mutations comme autant de manifestations de l’indétermination sociale — non pas comme anomalies, mais comme expressions vitales de la transformation symbolique.

Dans la perspective herméneutique, Paul Ricoeur a souligné que toute interprétation implique une tension entre détermination et indétermination : le texte, comme le récit, produit du sens non en éliminant l’incertitude, mais en la configurant. C’est cette capacité de mise en forme du possible qui relie la sémiotique à une anthropologie du langage, où l’indétermination devient une manière d’habiter le monde, une composante essentielle de nos formes de vie individuelles et sociales.

La détermination et l’indétermination convoquent pareillement la question de l’énonciation, devenue centrale dans la sémiotique contemporaine. Dans une situation donnée, l’acte même de dire, de produire des actes linguistiques ayant des effets perlocutoires dépassant le contrôle du sujet parlant, engage une part d’imprévisibilité et de surgissement : toute énonciation est un événement, un devenir du sens au sein d’une scène où rien n’est totalement prévisible. Du point de vue linguistique, l’énonciation peut être comprise comme un processus de détermination progressive : le sens ne préexiste pas à l’acte de parole, il s’y construit par ajustements successifs, par repérages et reformulations. Le langage manifeste ainsi une tension constante entre stabilité formelle et ouverture interprétative. La détermination du sens n’est jamais close car elle se renouvelle à chaque actualisation, au croisement des contraintes du système et des potentialités des conditions énonciatives. Ainsi, l’énonciation apparaît comme un lieu où se rejouent les rapports entre détermination et indétermination. Elle articule la contrainte des structures sémiotiques et la liberté créatrice du sujet parlant.

Les dynamiques contemporaines mettent cette dialectique au premier plan. D’un côté, les sociétés font l’expérience croissante de l’imprévisible avec des crises géopolitiques, des mutations technologiques et des bouleversements environnementaux toujours plus profonds. De l’autre, de nouveaux régimes de détermination, portés par les dispositifs numériques et par l’intelligence artificielle, prétendent maîtriser l’aléatoire, anticiper les comportements et modéliser les décisions. Entre ces deux horizons, celui du calcul et celui de l’événement, la sémiotique est appelée à repenser sa propre position en essayant de répondre à la question suivante : comment analyser les formes du sens dans un monde où l’imprédictible devient structurel ?

Le congrès entend interroger ces transformations à partir d’un dialogue entre les approches sémiotiques, philosophiques, linguistiques, biologiques et sociales. L’enjeu est de comprendre comment la détermination et l’indétermination s’articulent dans les discours, les récits et les pratiques signifiantes. Il s’agira de penser l’indétermination non seulement comme absence de prévision, mais aussi comme acte sémiotique, comme puissance d’ouverture du sens. La vocation interdisciplinaire du congrès sera pleinement affirmée : les contributions relevant de la linguistique, de la philosophie, de l’anthropologie, de la rhétorique, de l’esthétique, de la bio-sémiotique, de l’informatique ou encore des sciences de l’information et de la communication seront accueillies avec intérêt.

Axes de communication

  • Les catégories de la détermination et de l’indétermination, du défini et de l’indéfini en linguistique et en sémiotique générale ;
  • Les formes narratives de la prévisibilité et de l’imprévisibilité : la narrativité comme synthèse de l’hétérogène ;
  • L’indétermination peircienne et la logique du flou : potentialité, continuité et interprétation infinie ;
  • La bio-sémiotique : détermination biologique, émergence et indétermination du vivant ;
  • La sémiotique de la culture ; programmation de l’indétermination et production de dynamisme sémiotique ;
  • La sémiotique du socio-politique : crises, ruptures et surgissements imprévus ;
  • Les discours et les pratiques de l’intelligence artificielle comme modèles contemporains de la détermination ;
  • L’énonciation comme lieu d’articulation entre structure, événement et imprévisibilité ;
  • Questions sémiotiques sur les formes scientifiques et philosophiques du déterminisme et de l’indéterminisme (cf. libre-arbitre) ;
  • Le hasard, l’indétermination comme expériences également sensorielles et artistiques ;
  • La question épistémologique de la connaissance de l’inconnu.

Modalités de soumission et calendrier

Les propositions de panels (titre, résumé de 2 000 à 3 000 signes, accompagnés d’une bibliographie indicative) ainsi que les propositions de communication hors panel peuvent dès à présent être déposées sur le site :
https://congresafs2026.sciencesconf.org/

La date limite de dépôt des propositions de panels est fixée au 21 décembre 2025.
Les panels retenus seront annoncés et indiqués sur le site le 15 janvier 2026.
À partir de cette date, il sera possible de déposer les propositions de communication destinées aux panels retenus.

La date limite pour l’envoi des propositions de communication, qu’elles s’inscrivent dans un panel ou soient soumises hors panel, est fixée au 28 février 2026 (titre, résumé de 2 000 à 3 000 signes, bibliographie indicative).

Congress of the French Association for Semiotics
Determination, Indetermination: Semiotics between Predictability and Unpredictability

Orientation text

After dedicating its two most recent editions (2022 and 2024) to the crucial issues of ecological transition and the problematics of life, the French Association for Semiotics proposes, for its next congress, to broaden these questions by examining the notions of determination and indetermination. These two categories—both conceptual and operational—run through all practices of meaning-making. From phrasal grammar (the determiner) to philosophical and ideological positions (determinism), they allow us to think the relationship between what is predictable and what emerges unpredictably, between the calculable and the evental, between the regularity of forms and the surprise of meaning.

Since its origins, semiotics has set itself the task of understanding the structures and logics of meaning production. Structural semiotics built its theoretical apparatus around a principle of organization primarily modeled by the narrative schema, which gives form to the continuity of symbolic becoming. This model was long conceived as a framework of predictability, since it accounts for the sequences, regularities, and anticipations of meaning within discourses and forms of life. Yet narrativity must also be conceived beyond this paradigm of regularity—as a synthesis of heterogeneity, as a semiotic operation that accommodates the discontinuous, the emergent, and the fluctuating. From this perspective, reflection on indetermination acquires decisive significance.

Charles Sanders Peirce, for his part, conceives indetermination not as mere imprecision or absence of form, but as the very condition of meaning. From the articulation of the categories of Firstness, Secondness, and Thirdness to the concept of “musement,” the Peircean sign, by linking an object to an interpretant, opens a field of possibilities in which meaning is never closed but always in the making. Indetermination is what allows the sign to remain alive—that is, to preserve a share of potentiality within the very act of its determination. Within this logic of continuity and vagueness, meaning is never exhausted in a single interpretation; it extends, reconfigures, and unfolds over time.

This problematic also finds an echo in biosemiotics, which investigates how the processes of life articulate biological determination and evolutionary indetermination.

Moreover, Yuri Lotman’s semiotics of culture has shown that indetermination is not only an opening toward an unpredictable future but also a reconfiguration of the past and a re-elaboration often at the source of conflict. Lotman also emphasized that cultural texts sometimes program indetermination themselves; by constantly rewriting the boundaries of meaning, they make it the engine of collective dynamism.

Similarly, political semiotics invites us to conceive crises, ruptures, and transformations as manifestations of social indetermination—not as anomalies but as vital expressions of symbolic transformation.

From a hermeneutic perspective, Paul Ricoeur underlined that every interpretation involves a tension between determination and indetermination: the text, like narrative, produces meaning not by eliminating uncertainty but by configuring it. This capacity to give form to the possible connects semiotics to an anthropology of language, where indetermination becomes a mode of inhabiting the world—an essential component of our individual and social forms of life.

Determination and indetermination also summon the question of enunciation, now central to contemporary semiotics. In any given situation, the very act of speaking—of producing linguistic acts whose perlocutionary effects exceed the speaker’s control—engages an element of unpredictability and emergence: every enunciation is an event, a becoming of meaning within a scene where nothing is entirely foreseeable. From a linguistic point of view, enunciation may be understood as a process of progressive determination: meaning does not pre-exist the act of speech; it is constructed within it through successive adjustments, reorientations, and reformulations. Language thus manifests a constant tension between formal stability and interpretative openness. The determination of meaning is never complete, as it renews itself with every actualization, at the intersection of systemic constraints and the potentialities of enunciative conditions. Enunciation thus appears as a locus where the relations between determination and indetermination are constantly reenacted, articulating the constraints of semiotic structures and the creative freedom of the speaking subject.

Contemporary dynamics bring this dialectic to the forefront. On one side, societies increasingly experience the unpredictable through deepening geopolitical crises, technological mutations, and environmental upheavals. On the other, new regimes of determination—carried by digital systems and artificial intelligence—claim to master contingency, anticipate behaviors, and model decisions. Between these two horizons— that of calculation and that of the event—semiotics is called upon to rethink its own position by addressing the following question: how can we analyze the forms of meaning in a world where unpredictability has become structural?

The congress seeks to explore these transformations through a dialogue among semiotic, philosophical, linguistic, biological, and social approaches. The aim is to understand how determination and indetermination interact within discourses, narratives, and meaning-making practices. The goal is to conceive indetermination not only as the absence of prediction but also as a semiotic act—as a power of opening meaning. The interdisciplinary vocation of the congress will be fully affirmed: contributions in linguistics, philosophy, anthropology, rhetoric, aesthetics, biosemiotics, computerscience, and information and communication studies will be warmly welcomed.

Proposed thematic areas

  • The categories of determination and indetermination, the definite and the indefinite, in linguistics and general semiotics;
  • Narrative forms of predictability and unpredictability: narrativity as a synthesis of heterogeneity;
  • Peircean indetermination and the logic of vagueness: potentiality, continuity, and infinite interpretation;
  • Biosemiotics: biological determination, emergence, and the indetermination of life;
  • Cultural semiotics: the programming of indetermination and the production of semiotic dynamism;
  • Political semiotics: crises, ruptures, and unforeseen emergences;
  • Discourses and practices of artificial intelligence as contemporary models of determination;
  • Enunciation as the site of articulation between structure, event, and unpredictability;
  • Semiotic questions on scientific and philosophical forms of determinism and indeterminism (cf. free will);
  • Chance and indetermination as sensory and artistic experiences;
  • The epistemological question of the knowledge of the unknown.

Submission guidelines and schedule

Panel proposals (title, abstract of 2,000 to 3,000 characters, accompanied by a preliminary bibliography) and proposals for non-panel presentations can now be submitted on the website:
https://congresafs2026.sciencesconf.org/

The deadline for submitting panel proposals is 21 December 2025.
The selected panels will be announced and posted on the website on 15 January 2026.
From that date onwards, it will be possible to submit proposals for papers for the selected panels.

The deadline for submitting paper proposals, whether they are part of a panel or submitted outside of a panel, is 28 February 2026 (title, abstract of 2,000 to 3,000 characters, indicative bibliography).